Destination : 14 , Destination maudite


Folie passagère

Je me suis réveillée ce matin-là, d'une humeur sombre, j'aurais pu
rester au lit, y passer la journée mais mon corps était trop meurtri

par toute une nuit d'insomnie, il me fallait bouger, préparer un café,

vaquer à mes occupations.



Au bout de deux gorgées, j'ai su que le café ne me serait d'aucun

secours, je ne pouvais plus rien avaler, ma main se tendit vers ce tube

de granules " Ignatia ", médicament réputé guérir les angoisses, je

voulais retrouver très vite ma sérénité mais aussitôt, j'ai retiré la

main, ce n'était pas un médicament qui allait faire passer cette crise

de conscience car c'était bien cela mon malaise, ce qui m'était arrivé

dernièrement et que je voulais refouler au plus profond de moi.

Il me faudrait à présent faire le point et réparer tout le mal que j'ai

fait:



Je ne savais pas être méchante, j'ai appris à l'être jour après jour.

Nous étions deux amies et nous nous fréquentions beaucoup. Plus d'une

fois, les gens nous prenaient pour des soeurs et on aurait pu l'être,

tant de choses nous liaient l'une à l'autre. Avec elle, je me libérais

de toute timidité, de toute pudeur.

Il m'a fallu beaucoup de temps pour me laisser aller à cette amitié.

De nature réservée, j'étais solitaire et aimait le rester,rares

étaient les personnes qui pouvaient m'approcher. Pourtant, certains

jours, je souffrais de voir mes collègues de bureau complices deux par

deux. Pour un moment, je les enviais mais quand je les voyais se

disputer au bout de quelques temps, je me félicitais de ne pas m'être

engagée dans une amitié qui n'aurait été source que de désagrément,

ainsi je pensais à l'époque et hier.

Hier, j'ai regretté pour la première fois, l'énergie qui m'a fait

tisser ces liens de l'amitié pour aboutir à ce calvaire et perdre

toute estime de moi.



Depuis trois jours, je suivais mon amie, de sang froid, partout où elle

allait, j'étais devenue soupçonneuse et jalouse, envieuse aussi,

parceque j'estimais, qu'elle avait une beauté et un charme que je

n'avais pas et qui faisaient tourner la tête des hommes, tous, même le

mien.



Chez moi, les choses n'étaient plus les mêmes, mon compagnon me

délaissait et c'était flagrant, il rentrait de plus en plus tard.

Agressif et de mauvaise humeur, il ne supportait plus que je lui parle

et encore moins que je lui demande des comptes. A bout de nerfs, je

me laissais aller à déverser sur lui, chaque soir, les ressentiments

que j'avais accumulés tout le long de la journée.

Je négligeais la maison et me négligeais moi-même, tout d'un coup, je

n'avais plus de raison d'être, je tombais d'en haut: nous étions deux

et depuis longtemps et à présent, sans transition aucune, il se

détournait de moi pour une autre, tant d'indices me le prouvaient .

J'étais presque sûre que la fautive était mon amie, la rougeur subite

de son visage quand je lui parlais de mes problèmes, son manque de

disponibilité à notre amitié et tant de petits détails qui, à la

longue éveillent la méfiance.

Il me fallait réagir mais j'étais sous une telle pression que je

n'arrivais plus à réflèchir, à me contrôler.

Je voulais l'atteindre dans ce qu'elle avait de plus cher, de plus

sensible: sa situation professionnelle, l'estime de ses amis, de ses

parents, sa réputation, je passais ma journée à ruminer mes griefs

contre elle. J'aurais voulu qu'elle ne se relève plus jamais, qu'elle

vienne me demander pardon à genoux.

Je la ridiculisais en public, tournant en dérision ses propos. Quand je

prenais la parole, je parlais sans cesse de ces femmes qui, intoduites

en amies dans un couple, finissaient par le détruire.

En réaction à mon nouveau comportement, elle se mit à m'éviter.

Jamais, elle ne répondait à mes provocations ni ne m'en parlait , notre

amitié s'effrittait et je m'en réjouissais.

Hier, à l'heure de sa pause de midi, je me suis postée non loin de

l'immeuble où elle travaillait, je voulais des preuves concrètes, la

surprendre en flagrant délit avec mon compagnon, je ne voulais pas

imaginer la suite, j'avais trop mal et j'étais capable de la pire des

réactions, je ne savais pas quoi au juste mais je redoutais mes actes

comme je redouterais un aggresseur qui me veut du mal .

J'ai attendu longtemps, pour la voir enfin sortir au bras d'un homme

que je ne connaissais pas, je me serais dit: " c'est un collègue qui

l'accompagne ", si je ne les ai vus attablés au café du coin, très

proches, ne se retenant pas de s'embrasser, je lui aurais souhaité tout

le bonheur du monde, si je n'étais pas dans cet état de folie, que

j'espèrais passagère.



Cette longue nuit d'insomnie, loin de me porter préjudice, a réveillé

en moi la femme que j'étais et encore aujourd'hui, je me demande

comment l'être humain peut basculer si vite vers le mal, se détourner

de son image et se laisser guider par ses mauvais instincts.



Ameline