Destination : 27 , L'incipit d'Antoine B.


...

A la fin de la première guerre mondiale, les trains recommencèrent à rouler.



Durant tous ces étés dans un Paris occupé, en avions nous rêvés de ces

vacances. Nous étions pourtant des priviligiés car derrière l'immeuble, il y

avait une cour et des garages. Nous ne sentions ni la chaleur, ni le soleil;

nous pouvions courir, jouer à la marelle. Joue-t-on à la marelle de nos

jours ? Je n'ai pas vu depuis longtemps ces merveilleux quadrillés sur le

sol, vous amenant en sautant jusqu'au ciel. Bien sur, il y avait le Bois de

Vincennes mais maman n'aimait guère nous y conduire Tout d'abord, nous

étions à la merci de la moindre alerte mais surtout, les pelouses étaient

occupées par des soldates se gavant de brioches ; leurs uniformes craquaient

d'ailleurs aux coutures ; question ? pourquoi n'y avons nous pas droit ? Il

y avait un merveilleux manège avec un wagon et, summum, une locomotive. A

l'arrêt, nous nous précipitions tous pour y monter les premiers. SI nous

touchions trois fois le ballon suspendu au toit du manège, nous avions droit

à un tour gratuit, sinon, un seul tour ; maman ( ni les autres mamans) ne

pouvaient nous en offrir deux.



Au mois d'Octobre, notre vaillante petite mémé venait de ses Cévennes,

traversant courageusement la ligne de démarcation. Si ces messieurs lui

avaient fait ouvrir sa valise, ils auraient trouvé les dernières pêches de

vigne et quelques grappes de raisins. Elle nous racontait la campagne et

nous révions au jour où nous pourrions y partir.



Les trains ....... Fidèle à ses principes, mon père nous avait conduits à la

gare une bonne heure d'avance " pour la formation du train". Installés

royalement en 3ème classe, nous aurions le temps d'en profiter ; 12 heures

poour descendre en Cévennes. Après Clermont Ferrand commençait le défilé des

tunnels. Après une nuit agitée, la matinée s'annonçait éprouvante et

chaude.Toutes vitres ouvertes, la fumée de charbon entrait allégrement et à

l'arrivée nous avions tous des têtes de ramoneurs.



Enfin, arrivés ; la bonne fraicheur de la maison derrière ses murs

centenaires, l'eau du puits la salade de tomates à l'huile d'olive et ce

soir nous pourrions ouvrir grandes les fenêtres sans trembler derrière des

rideaux et faire hurler la radio ( en fait ma grand mère n'avait pas de

radio).



Que de trains dans ma vie ; trains africains faisant des haltes en pleine

brousse pour faire monter des femmes en boubous colorés et des indigènes

rieurs. Trains plus luxueux de mes 20 ans ; premier salaire assez

conséquent et reves de luxe dans des Trans Européens Express qui me

laissaient des fins de mois difficiles



Trains de plaisir, de rencontres vite oubliées, trains à l'arrivée où l'on

serre un etre aimé, le visage innondé de larmes ; trains de départ, les yeux

secs et le coeur prêt à éclater. Trains de la vie, ceux que l'on prend en

marche, ceux qui vous laissent sur une voie de garage et vous obligent à

prendre le chemin du retour à pied.



Et un jour ..... plus de trains. L'avion avait tout remplacé.



Rien ne pourra remplacer la magie d'un voyage en train ; au crépuscule,

lorsque les fenêtres des petites maisons s'allument ; sitot vues, sitot

parties. Mystères des vies derrière les rideaux blancs, amour, haine,

secrets ?



Reve d'un voyage vers Venise à bord de l'Orient Express. Compartiments aux

bois rares, à l'heure du thé, déguster le breuvage en fumant une cigarette

parfumée, non pour la cigarette mais pour le long fume cigarette si

élégant.Emotions furtives des ombres dans le couloir ; chapeau et moustaches

d'Hercule Poirot, silhouette ronde d'Alfred Hitchkok ? Non, sourire

rassurant du controleur dans son uniforme rutilant.



Quitte Paris le soir sous la grisaille et se réveiller le matin dans la

campagne Avignonnaise ; ouvrir des yeux éblouis par la lumière de Provence

;le compartiment sent déjà le thym et la garrigue, les cigales nous

accueillent ; une fois encore, mon enfance, mon Midi.



Un jour viendra où je partirai vers l'un de ces pays "dont on nous parle

dans les chansons" ; ils sont ailleurs, bien loin d'ici ce jour là

accompagnez moi ; nous prendrons des trains qui partent.

Anne-Marie