Destination : 30 , Mythomanie littéraire


Hommages

- Monsieur le président de la république, Monsieur le Premier ministre,

Mesdames et Messieurs les représentants des corps constitués, c’ est avec

fierté et émotion que je vous accueille en ce lieu pour commémorer et

honorer l’ une des plus grands écrivains-philosophes de notre siècle. Ce

musée qui nous ouvre ses portes pour la première fois est pleinement dédié à

une femme remarquable. Elle nous a hélas quitté, certes, mais tant de ses

merveilleux écrits restent, prodigieux témoignages d’ une vie entière

consacrée à la littérature ! Une vie riche ! Bouillonnante ! Peuplée de

rencontres exceptionnelles !



La période jaune, c’ est la jeunesse ! La Chine, la rencontre avec le grand

Cho Chin Wong, grand dramaturge, profondément attaché à ses racines.

Fortement inspirée par deux années de rizières, elle écrivit :

« De la conservation des moissons », sous titré « Qu’ importes que le chat

soit blanc ou noir pourvu qu’ il attrape la souris. »véritable hymne au

travail des champs et à la culture de masse !

Cependant, répondant à l’ appel mystérieux du destin, elle quitta

soudainement le pays du soleil levant. Le beau Chinois souriait malgré son

âme déchiquetée par la séparation. Il lui laissa ce fameux grain de riz que

vous pourrez admirer dans la vitrine centrale.



La période bleu commence à Paris où elle croise le brillant humaniste Jean

Sansjoie qui travaillait obstinément depuis vingt ans sur l’ art de la

Contrepèterie. Qui n’ a pas entendu parler de l’ entrevue célèbre où,

amoureux transi, il se jeta aux pieds de notre idole en déclarant :

-« je donnerai ma vie pour un mou de veau ! »

Cette phrase figure en exergue de l’ essai qu’ elle rédigea dans les années

qui suivirent :

«Les vers Ridicules, Analyses et Observations »

Toutefois, le besoin impérieux de ressourcer son génie la poussa à quitter

Jean.

Ce dernier, grand seigneur, lui composa une ode déchirante. Parodiant A

Dumas, il acheva sa missive d’ adieu par ces vers si dignes, exposés

maintenant dans la vitrine orientale :

-Oui… Oui…. De votre cœur je sort !…., mais quel que soit mon sort

J’ aurai montré du moins, comme un vieillard en sort-



La période verte allait commencer. Il fallait régénérer l’

inspiration. Campagne et forêt ne pouvaient que tendre leurs bras

protecteurs et apaisants pour se refermer avidement sur notre essayiste.

Elle s’ engagea avec passion dans les réformes agraires, auprès de son

nouveau compagnon Agricol Champvoisin. Dans le calme et le recueillement

elle constitua la remarquable nomenclature de :

« La pratique du tracteur » sous titré « Du motoculteur au tracteur de 60 CV

. Achat, structure, conduite, entretien, pannes. »

Magnifique récapitulation ! Tout de A à Z pour le maniaque du boulon et de

la clé à molette, le bonheur en bleu de travail les mains dans le cambouis.

Hélas une légère inclination pour les boissons alcoolisées et les paradis

artificiels contraignirent notre égérie à suivre des chemins de traverse.

Toujours éméché, ivre de vapeurs d’ essence, les mains sales, Agricol

disparu un soir ne lui laissant que ses empreintes digitales, à voir sur l’

édition originale exposée dans la vitrine occidentale.



Nous voici donc dans la terrible période noire. Sa sensibilité à fleur de

peau l’ amena à transcrire pour le sulfureux Jules Gardetout, le

célébrissime précis :

« Naturaliste préparateur », Tome 1 « Taxidermie, préparations anatomiques »

Tome 2 « Embaumements », ou comment conserver son animal favori, ouvrage

très pratique pour qui veut embaumer sa bestiole préférée. Descriptions

précises et modes d’ emploi habiles, mais cœur sensible s’ abstenir ! Le

livre manuscrit, relié pleine peau de serpent, est exposé dans l’ aile Nord

du bâtiment aux côtés de la patte d’ oiseau que Jules offrit à notre artiste

quand, sans transition, elle passa du noir au flamboyant.



Période de feu qu’ un homme de fer, anonyme, alluma. Elle relata pour lui,

avec une énergie flamboyante :

« Le forgeron : Métaux et alliages de bronze, outillages et combustibles,

maréchalerie. » Magie des braises, de la chaleur, des biceps roulant à fleur

de peau, luisant de sueur ! L’ art de frapper juste et fort !

Cet embrasement secret, Charles Le Lorrain ne demandait qu’ à l’ attiser. Ce

directeur des éditions la Flamme possédait un tempérament de feu.

Militariste convaincu, portant haut la bannière d’ une illustre jeune

bergère, proclamant haut et fort l’ innocence de sa protégée, il inspira le

fameux brûlot composé dans la chaleur de la passion par notre ardente

romancière :

« Jeanne d’ Arc en images » sous titré « Si elle avait été crue, elle n’

aurait pas été cuite »

Quand le brasier ne fut plus qu’ étincelle, il resta une croix de lorraine,

exposée dans les bâtiments Sud.



Consumée par cette folle passion, notre grande dame tomba malade mais

consacra ses dernières forces à étudier cet étrange mal dont elle était

victime. Le professeur Pierre Gastro l’ accompagna sur son ultime chemin et

l’ aida sans sa quête. Ainsi naquit :

« Traité d’ anorexie Post-pondriale »

Cette forme d’ anorexie touche 99%de la population.. Il est en effet très

intéressant de savoir qu’ une fois que nous avons mangé, nous n’ avons plus

faim. Ce phénomène est donc fort répandu et particulièrement intéressant à

observer. Notons toutefois que cette maladie rarement mortelle fut fatale à

cette immense gloire de la littérature.

Mais je ne voudrais pas terminer sur cette note chagrine. Nous voici tous

très heureux d’ être réunis près de vous chère dame, nous voici déposant nos

hommages tels des bouquets de roses, dans ce jardin fleuri de votre présence

où pour l’ éternité vous reposez. Recevez donc nos hommages, chère, très

chère amie,

Corinne