Destination : 142 , Débuts de rentrée


carnet de roulotte

Ce matin-là, je reçus une lettre d'un genre nouveau :







Très Cher, très Loir,







Cette carte postale écrite depuis le Loir-et-Cher où je butine avec délice de châteaux en vignobles, te montrera un fragment des joyaux de la région. Le kaléidoscope y est fabuleux. La pudique Touraine se dévoile discrètement à qui veut prendre le temps de chercher ses trésors. Certains s’exposent, d’autres moins.



En 1576 Catherine de Médicis fit construire sur le pont de Diane de Poitiers qui enjambe le Cher, une galerie de soixante mètres de long sur six mètres de large. Ses dix-huit fenêtres en font une salle magnifiquement claire. Aujourd’hui encore, Chenonceau, tel une libellule posée sur le Cher, endiamante la rivière.



Chaque soir, à la nuit tombante, repue de découvertes, je regagne ma paisible et confiante roulotte qui m’espère. Chère roulotte toute de bois vêtue ! Sitôt que je suis à portée de sa vue, ses petits volets rouges m’accueillent en souriant. Chez elle la liberté est au menu de chaque instant. Il me suffit de quelques mots, deux ou trois points sur une carte, et roule ma roulotte, elle m’emmène où le vent nous porte, à la rencontre du monde. Nos vagabondages nous tricotent le plus agréable des chandails, composé d’un somptueux patchwork de paysages. Et tu peux me croire, la nature n’est pas avare.



Plus tard, Cheverny me ramène à Moulinsart et je me surprends à guetter, au détour ‘‚un cèdre majestueux, l’apparition d’un Tournesol ou d’un capitaine jurant. Mais, bredouilles, mes pas impatients me mènent en direction du potager du château où mes yeux avalent jusqu’à plus soif ce flot de couleurs inondant mes iris. Un banc ensoleillé m’invite alors à me poser et j’observe les alignements parfaits, la géométrie sans faille des plantations, élèves odorants si sagement rangés.



Dès le lendemain, pour assembler joliment les différentes pièces du tricot, je choisis le fil du Cher que j’escorte à points filés. Quelques coups d’aiguille bien placés m’entraînent jusqu’à Bourges : petit bourgeon est devenu grand ! Partout des terrasses de café éclosent sous la douce chaleur d’avril. Je respire la ville telle un apprenti botaniste, déambulant le nez au vent, butinant de petites places en ruelles au gré des odeurs qui m’appellent. C’est ainsi que je découvre le marais berruyer et ses petits jardins cultivés en plein cœur de la cité, ce réseau d’hortillonnages que surveille du coin de l’œil la somptueuse cathédrale. Un déjeuner au bord de l’Yévrette à l’ombre d’une rangée de saules têtards m’étame d’une nouvelle couche de bonheur.



Mais déjà mon périple touche à sa fin et je vais pouvoir reprendre le cours de ma vie, retendre le fil rouge de mes idées sur lequel je mettrai à mijoter mes prochaines ébauches d’escapades.









Je lus et relus plusieurs fois ce courrier non signé. Qui donc en était l'auteur ? Qui pouvait m'adresser cette invitation à la liberté dont je rêve depuis si longtemps? Une personne qui me connaît bien, très bien même ! J'ai donc dans mon entourage proche une femme ayant un désir de découvertes vagabondes aussi viscéral que le mien ! C'est fabuleux ! Je DOIS la démasquer de toute urgence...

Griotte