Destination : 10 , Road Movie


Au fil des mots

La lecture est un voyage silencieux. Avec les premières phrases d’un livre, commence le trajet, parfois long et plat, un brin ennuyeux, et l’on est déjà pressé d’arriver à destination. Il peut à l’inverse être bref et très vite semé de surprises ou d’embuches et l’on entre immédiatement dans le vif du sujet, dans l’œil du cyclone, ou au cœur du congrès si vous préférez.

Comme au fil des kilomètres avalés lors d’un voyage, c’est au fil des pages tournées que les phrases dessinent devant mes yeux des paysages nouveaux, des contrées inconnues, m’amenant vers de nouvelles rencontres. Je sympathise, ou non, avec tel personnage, qui m’invite parfois à entrer dans son logis, me fait quelques confidences.

De temps à autre, laissant voguer mon regard dans les coins et les recoins, je rencontre une trouvaille, une idée neuve, qui met mon cœur en joie !

Dans cette dérive à travers l’écrit, la liberté du voyage est totale. Libre à moi de sauter des mots, des pages, de revenir en arrière, de m’attarder sur un passage pour le relire encore et encore, et faire tinter les mots jusqu’à ce qu’ils résonnent à m’en étourdir, et vive la poésie !

Le chemin de lecture est souvent tortueux, fait de méandres, de détours, de bifurcations, et j’aime ça. Il m’arrive pourtant de chercher des raccourcis… Cependant, dès que j’en emprunte un, je ne peux m’empêcher de me demander si je n’ai pas raté quelque chose d’extraordinaire en évitant le chemin balisé, c’est plus fort que moi. Alors je rebrousse chemin et reprends l’ordre des choses, plus besoin de titrer « bison futé » !

Parfois, une question pointe son bout du nez : « où l’auteur veut-il donc m’emmener ? ». Il m’arrive de ne pas trouver de réponse et d’être tentée d’interrompre mon voyage tant la destination me semble incertaine. Et puis, avec un peu de persévérance, apparaît souvent, quelques chapitres plus loin, alors que je ne l’attendais plus, LA rencontre, LE personnage qui m’accroche, auquel je me lie et qui va poursuivre le périple avec moi, le rendant tellement plus attrayant.

Mes voyages préférés ? Les ouvrages que je n’ai pas envie de terminer, par peur de devoir les quitter. Je sens bien, au fil de ma lecture, que l’épaisseur des pages que je tiens dans la main droite s’amenuise au profit de la moitié gauche du livre, mais je ne suis pas prête, pas prête du tout à clore le voyage. Alors, tout comme je freinerais la vitesse du bateau approchant les côtes, tout comme les bouchées se font plus modestes à mesure de la dégustation d’un fabuleux dessert, je me surprends à ralentir ma vitesse de lecture. Je déguste, je savoure, car je sais que lorsque j’aurai tout dévoré, le voyage sera terminé. Inévitablement pourtant, l’histoire touche à sa fin et c’est avec un pincement au cœur que je referme la quatrième de couverture. Et là… pause. Hors de question d’enchaîner sur un nouveau voyage. Non, pas d’infidélité ! Besoin de digérer, de rester encore quelques temps avec « mes » personnages, mes David, mes Goliath.

Au fil des ans, au fil des mots, j’ai fait d’innombrables voyages, parcouru une partie du monde pour quelques riels, et je compte bien continuer.

Mon agence de voyage préférée ? Élémentaire, c’est la bibliothèque de mon village !

Griotte