Destination : 151 , De Père en fils


DROIT DANS MES BOTTES (en réponse à Quand les fils parlent des pères)

– Bonjour Monsieur, je suis Michel le père de Simon.

– ¬Ah bonjour Michel, moi je suis le père de Nathan, appelez-moi Alain et entrez donc un instant si voulez bien.

– Oui un instant. Il faut dire qu’en ce moment le temps j’en ai peu depuis quelques mois déjà, mais bavarder un peu ne me fera pas de mal.

– Oh pareil pour moi, le temps je cours toujours après mais c’est une habitude chez moi, une sale habitude d’ailleurs…Qu’est ce que je vous sers à boire ? Nos fils sont moins pressés que nous, surtout quand il s’agit de se séparer et d’aller travailler…

– Hum, oui vous avez raison Alain, il faut dire qu’ils s’entendent bien nos fils. Ils ont de la chance je trouve, c’est une richesse une amitié comme ça, moi à leur âge je n’avais pas vraiment d’amis…

– Oui ils s’entendent bien et on dirait qu’ils se complètent. De la chance, je suis d’accord avec vous, un ami c’est important, un sur qui on peut compter c’est même précieux…Moi à leur âge des copains et des chéries j’en avais beaucoup mais je travaillais dur depuis déjà 3 ans ! remarquez je ne regrette pas. Travailler, c’est encore ce que je sais faire de mieux ; eux par contre je ne sais pas, enfin le mien en tout cas c’est pas gagné…Au fond je crois que je l’ai dégouté du travail, du mien en tout cas c’est sûr ! Le bâtiment ça ne fait pas rêver et pourtant je l’aime moi mon métier même si j’ai mis du temps à le comprendre…Enfin je ne sais pas trop ce que je lui aurais transmis à mon gamin.

– Je vois que nous avons pris des départs très différents…A l’âge de mon fils je me destinais à un bac scientifique et je devais en toute bonne logique rentrer en médecine. Les copains j’en avais peu, quant aux filles leur mystère me semblait bien supérieur à ceux des trous noirs de la science ou de la physique quantique. Un accident de mobylette a stoppé ma vocation. Je suis bien rentré en médecine mais avec un an de retard sur la date prévue et je n’ai pas mis beaucoup de conviction dans mes études. Résultat j’ai râté ma première année et mon père qui était plus préoccupé par mon statut social que par mon épanouissement professionnel m’a demandé d’arrêter là et de venir l’aider à la menuiserie familiale. J’étais docile et malléable à l’époque et je l’ai écouté. Je ne regrette rien car j’ai bien évolué et pris d’importantes responsabilités jusqu’au jour où tout s’est arrêté mais c’est une autre histoire. Ce que j’ai essayé de transmettre à mon fils, l’intégrité avant tout je crois, de rester droit dans ses bottes.

– Ah là je vous rejoins tout à fait, rester droit dans ses bottes c’est indispensable même si en ce moment, j’ai un peu de mal à savoir où elles sont mes bottes…Moi j’avais un père qui croyait avoir toujours raison, pour qui seul le travail comptait. Il faut dire que du courage il leur en a fallu dans leur vie, il leur a fallu tout reconstruire une deuxième fois et dans un pays qui était le leur mais qui ne les voulait pas, allez comprendre…Alors après ça, c’est sur qu’il n’avait pas trop le temps de s’interroger mais j’espère être moins dur que lui avec Nathan. Et puis ça ne rigolait pas beaucoup à la maison et on ne montrait pas ses sentiments non plus. Alors moi Nathan j’ai jamais eu peur de lui dire que je l’aime et que j’ai confiance en lui.

– C’est vrai que nous sommes d’une génération où on ne disait pas ce genre de choses, le mien non plus ne riait pas beaucoup et ne m’a pas dit qu’il m’aimait, ni que j’étais quelqu’un de bien. J’ai du le découvrir tout seul et ce n’est pas toujours facile en effet. Je crois que le mien sait qu’il peut compter sur moi-même si je ne suis pas d’accord avec lui. J’essaie de trouver un équilibre entre ce que je crois et qui est indispensable pour moi, de lui apprendre que tout n’arrive pas seul et d’entendre ce qu’il veut. Il me dit souvent que je ne comprends rien mais j’essaie de ne pas faillir.

– Moi le mien il aurait plutôt tendance à ne rien me dire ce que je supporte assez mal mais je me rassure en me disant qu’il sait que je suis là quoiqu’il fasse et décide et que c’est sa liberté de ne rien dire. Ah c’est pas facile d’être père aujourd’hui Michel mais c’est tellement bien, moi mes gamins c’est l’essentiel de ma vie et ils le savent heureusement d’ailleurs.

– Oui Alain, vous avez raison pas facile d’être père, ni de réussir nos vies d’hommes d’ailleurs mais être père je crois que c’est la plus belle aventure que j’ai vécu. Et nos fils, je vois qu’on en est fier tous les deux.

Lola