Destination : 95 , Homo Nimes


Errance


Entre homonymes et hétéronymes il n'y a qu'un gène. Ici à Nîmes on est l'un ou l'autre, parfois les deux alternativement, quelquefois ni l'un ni l'autre. Mais chut, ne dites pas que je vous l'ai dit, on dirait de moi que je ne manque pas d'air. Il faut savoir se taire, comme un secret, taire.


A Nîmes nous y allions pour l'éther. Oui, celui qui endort, qui vous mets dans les vap's. Un drôle d'état d'où on ne revient jamais entier, ni entière, ni en tiers.
La Maison de Santé, à moins que ce ne soit les Franciscaines, je m'en souviens comme si c'était hier. D'abord, une cornette a tenté de m'arracher la tête, en voulant ôter ma robe sans la déboutonner. Une jolie robe que ma mère avait tricotée avec du cordonnet, un coton fin pour robe de printemps et corps frêle. Une bande jaune, une bande marron. A la taille un rang de trou-trou. Dessus-dessous, elle avait glissé la cordelière qui servait à froncer la jupe. Un pompon jaune, un pompon marron, chacun à un bout pour éviter que cette ceinture ne s'échappe des passants. Un noeud, une boucle. Un bouton pour le tour du cou. Bouton caché sous l'épaisseur de mes boucles brunes.
La soeur en cornette n'a pas eu ma tête, mais l'homme en blanc, avec une lumière sur le front et des mains pleines de pinces, poinçons, poignards, poulies - horribles outils, brillants, tintants, tranchants - a eu ce qu'il voulait. Je ne l'ai jamais revu. Elle non plus. Ce n'était pas des amis, que dalle.



Entre homogène et hétérogène, il n'y a qu'un pas, à voir comment je me suis faite et défaite, dispersée et rassemblée, perdue et retrouvée, liée et libérée. Autant de conquêtes et de défaites.

C'est ainsi que j'ai atterri à Gênes. Au bord du golfe clair. C'est là que j'ai vu danser la mer et ma soeur et que j'ai valsé sans gène avec Dio et Erri, binôme de la gène éthique, en tête de la compétition du maniement de clubs de golf.
J'ai fait la fête et chanté avec toute la bande des golfeurs et du club des anti. J'ai levé mon verre et bu un coup à la santé des vainqueurs. Des coeurs à prendre, il y en avait vingt et cent. Le Quianti aidant. Amore ! amore !
La vie était belle, le vin d'Asti pétillait dans les yeux, le Lacrymachristi coulait sur les joues. Larmes de joie. Hélas j'ai vite déchanté. La mort a frappé, sans pitié. Mise en joue sur un anonyme, vingt ans à peine. Aveuglée que j'étais par les éclairs de soleil sur les vagues et les vapeurs du gaz lacrymogène, je n'ai pas vu l'arme pointée sur lui. Le coup est parti et moi aussi.

Ciao Bella ! qu'ils criaient tous et c'est le vague à l'âme que j'ai décollé vers un autre Etat, une destination vague sur cette terre où j'erre en vain, en boucles sans fin.

Mireille