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Frédéric

J’ai décroché l’horloge de ma cuisine et je n’arrive pas à savoir l’heure qu’il est. A la fenêtre, je ne sais pas si c’est un passant ou un chien qui marche dans la rue. Ça va vous paraître étrange, mais j’éprouve un certain plaisir à être de plus en plus aveugle. Il faut dire aussi que je l’ai voulu. Comme j’ai voulu être sourd.
Pour ne plus entendre le moindre son, il suffit d’enchaîner les concerts, et de ne jamais être bien loin des enceintes. Vous faites ça pendant une semaine, sans trop dormir pour que le corps n’est pas le temps de récupérer, et déjà vous vous apercevez que vous répétez une dizaines de fois dans la journée: << pardon? J’ai pas entendu, vous pouvez répétez? >> Vous ne pouvez pas savoir a quel point c’est génial de ne plus entendre l’autoroute et les avions, les klaxons des voitures parce que vous n’avez pas démarré à la seconde où le feu est passé au vert.
Tout devenais enfin plus calme. Mais se n’était pas suffisant. Je voulais plus encore, je voulais quelque chose de bien plus fort que le calme. Je voulais un vide absolu. Et pour ça, je décidais de devenir aveugle. Depuis quelques jours je regarde le soleil et ça marche. Je perds la vue.
Demain je consulte mon médecin. J’ai déjà préparé plein de question sur un papier parce… ah oui, je ne vous l’ai pas encore dit, mais j’ai payé cher quelqu’un pour qu’il me coupe la langue sous anesthésie.
Ceci est la dernière chose que j’aurais écrite de ma vie, parce que même si le médecin ne veut pas me prendre en charge, la dernière étape vers le vide absolu, je la ferais quand même. Je bousillerais mon cerveau à coup de drogue.

Fred

Salvia