Destination : 95 , Homo Nimes


Un pied bien mal chaussé

Lorsque Cendrillon arriva enfin au château pour assister à la fête marquant le début de l’été, elle ouvrit le portique menant dans la cour intérieur, puis entra dans le parc rempli de magnifiques arbres d’un vert profond. Elle aurait souhaité y faire un petit tour, mais elle était pressée. Sous le grand chêne l’attendait son Prince charmant, qu’elle brûlait du désir de rencontrer.

La bise soufflait fort ce soir là. Elle grelottait. Elle trébuchait à chacun de ses pas, car ses pieds étaient pressés dans de trop courts souliers, qu’elle avait mis pour aller danser. Elle avait déjà attrapé de sacrés cors aux pieds ! Avant de quitter la triste demeure de sa tante, elle n’avait pas même pris le temps de dîner, avalant rapidement une fine tranche de pain rassis, et trois tablettes de chocolat. La faim la tenaillait encore, son foie la faisait souffrir et son air las n’était pas feint !

Admirant l’immense bâtisse, elle se dit dans son for intérieur : « Ma foi, ceci n’est pas un château, c’est un véritable fort ! La tour est si haute que l’on doit voir toute la contrée depuis son sommet ! »

Mais sous le chêne, point de Prince. Cendrillon regarda autour d’elle et soudain le vit, son corps étendu sous le pin. Il dormait à poings fermés. Sa colère commença à monter. « Ca, c’est trop fort ! Il dort ! Prince, est-ce ainsi que vous m’accueillez ? Vous étiez censé m’attendre sous le chêne, non sous le pin !

Le Prince se réveilla en sursaut et bondit sur ses pieds. « Mais non, vous n’avez pas saisi mes paroles, j’ai dit sous le pin entouré d’une chaîne d’or ! Voyez vous-même ! Ma chère, vous avez tardé ! Pourquoi tant de temps pour me retrouver ? Mais, attendez… Montrez moi vos pieds ? Mais vous n’êtes pas la femme que je dois rencontrer ! »

Le Prince se rassit, et poursuivit : « La femme que j’attends doit porter des souliers de vair ! C’est le signe de reconnaissance qui a été convenu entre nous.
- Mais vous voyez bien que je porte des souliers de verre ! Etes vous aveugle, ou n’êtes vous pas sensé ?
- Ce n’est pas du vair ! Dois-je vous faire un cours sur la nature de cette matière ?
- Ma foi, faites, mon ami, puisque vous y tenez !
- Comment dirais-je ?... Le vair est une sorte de peau.
- Un pot ? Un pot de verre ? Mes pots sont faits de fer, et mes pots de terre, je les utilise comme moules à gâteaux !

Le Prince, qui détestait les moules, se leva précipitamment, et s’enfuit vers le château. Cendrillon le poursuivit, espérant obtenir de lui au moins une petite bise, pour rendre ses sœurs jalouses, mais on ne court pas vite avec des souliers de verre…

Et c’est ainsi que l’histoire d’amour de Cendrillon avec le Prince charmant prit fin.

Sokha