Destination : 62 , Bestiaire poétique


nuit blanche et noire

Nuit blanche et noire
Nuit blanche .

Par la fenêtre entrouverte le réverbère étire ses ombres démesurées.
Dans le grand lit carré ils reposent tous deux, bienheureux, abandonnés.
La petite noire et le vieux blanc.

Bianca la mal nommée. Petite noiraude efflanquée, toute en jambes comme un cabri mal dégrossi. Minois allongé d’Egyptienne, fine tête de Bastêt . Tout juste sortie de l’enfance la gamine mutine lutine les vieux mâles, leur frise la moustache, fait des mines à damner les matous.

Momo – Moïse pour l’état civil, Momo c’est plus viril – le vieux Momo a craqué pour la gamine lutine. Lui qui roulait des muscles, démarche de tigre, croc acéré sous la moustache bravache, le vieux Momo, la terreur des banlieues, fait dos rond et patte de velours pour la petite, qui carre un coin de sa frimousse menue dans sa toison drue de vieux mâle madré, frisante sous la petite langue rose. Béat Momo la couvre d’une patte paternelle.

Bienheureux.



Nuit blanche .

Le Rouquin, dit Plume à cause de sa toison mousseuse comme un duvet sur sa tête carrée, les observe de biais, l’½il jaloux, du fond de la pièce. Feint de mater une souris derrière la vitre. Revient au couple béat. Le vieux blanc, la petite noire … Une sacrée minette, celle-là ! Avant ils menaient une vie paisible, le vieux et lui, deux vieux garçons en ménage.
Elle lui a tourné la tête avec ses airs de Lolita, la Bianca ! Et je te frôle l’échine, et je te lèche les babines, et je te roucoule comme une pigeonne, et je te ronronne … Une vraie démone ! Il a craqué le vieux. Fatal !

Et lui dans l’histoire il fait quoi ? Il tient la chandelle ? Pas gênés les deux amoureux s’étalent dans le grand lit carré, béats. Abandonnés. Impudique bonheur, si simple, offert …

Plume rôde, jaloux en maraude. Autour du lit comme un compas. Fait les cent pas. Aimanté, là-bas, sur le grand lit carré, par le couple insolite, le vieux blanc et la petite noire. Momo et Bianca. Son regard va de l’un à l’autre. Momo. Bianca. Momo, béat. Bianca, féline. Bianca, petit regard tendre, innocemment. Bianca, petit feulement, aguichant …

Tant pis, il y va : fini de jouer les voyeurs impuissants . Ah tu me cherches Lolita ! Me voilà ! D’un bond souple il saute sur le lit, s’allonge près de Bianca sur le côté laissé libre par Momo, bonhomme, qui ne moufte pas. Merci vieux frère ! De sa petite langue rose Bianca lèche consciencieusement la queue de ses deux hommes entrelacées, s’étire voluptueuse…



Nuit blanche, rousse et noire …

Dans le grand lit carré ils reposent tous trois, bienheureux, abandonnés : le vieux blanc, la
petite noire et le grand rouquin.
Par la fenêtre entrouverte l’aube étire ses lumière émerveillées…

Bienheureux les chats libres de préjugés .

Jose