Destination : 196 , Ai11eurs : une autre réalité
Dans son roman 1Q84, qui est probablement un pur chef d’œuvre, Murakami nous emporte petit à petit vers une autre réalité, celle de 1Q84, qui est un peu comme un univers parallèle à celui de 1984. Sans trop révéler de cet imposant roman en trois volumes, deux héros basculent ou font basculer le monde dans une autre dimension. Ce n’est pas aussi clair que cela et c’est tout l’art de Murakami. J’ai l’impression que toute personne qui donnerait sa version de 1Q84, en l’expliquant avec ses propres mots, créerait à son tour un monde différent que celui qu’a voulu décrire l’auteur. Si vous ne l’avez pas lu, n’ayez pas peur, vous ne sombrerez pas dans un obscur roman de SF, vous lirez juste une histoire qui petit à petit, de manière imperceptible, glisse vers une autre réalité, sans que cela ne vous choque : vous partez en douceur.
A la fin du tome 2 et au début du tome 3 - (que ceux qui projettent de le lire me pardonnent mais ce n’est pas capital même si c’est important)- Tengo, le héros écrivain, décrit dans un roman la présence de deux lunes dans le ciel, de même qu’il décrit une chrysalide de l’air (on restera mystérieux sur ce dernier point). Ce qui est « épatant » c’est que ces deux choses et notamment la deuxième lune font leur apparition dans la réalité, à l’année 1Q84, à moins qu’il n’aient toujours été là…
Vous vous dites, où est-ce qu’il compte nous emporter comme ça le JFP ? Assez loin, je l’avoue, vers Ai11eurs, qui serait une autre réalité, encore plus décalée que celle d’Ailleurs.
A partir de cela, qu’est-ce qui vous est proposé ? Vous aussi, faites comme Tengo, écrivez une autre réalité, choisissez de changer quelque chose dans notre monde et décrivez-le comme si c’était naturel, c’est-à-dire sans faire apparaître dans votre texte que c’est une entorse à notre monde puisque dans le vôtre c’est la réalité.
Illustrons avec des exemples tout simples : un monde où le ciel changerait de couleur tous les jours ; un monde où les gens vivraient la vie à l’envers (de la vieillesse vers la naissance) ; un mode où le poulet serait l’animal sacré, le dieu unique ; un monde où les sentiments n’existeraient pas ; un monde où l’eau serait un poison, etc… Ces exemples sont sortis rapidement de ma tête et je vous engage à faire la même sorte de brainstorming : laissez venir tout ce qui vient, vous trierez ensuite.
L’idée de départ, c’est bien, mais la mise en texte, c’est probablement plus dur ? Eventuellement, une piste peut être de partir d’une histoire toute banale avec un ou deux personnage que l’on présente dans un quotidien qui à un moment croisent cette autre réalité que vous vous attardez un peu pour la décrire.
Autre proposition de cette destination est de faire comme Murakami : de parler dans son texte d’un autre livre qui n’existe pas en fait (la Chrysalide de l’air pour Murakami). Par exemple, vous évoquez un héros qui écrit ou a écrit un livre (que vous inventez) et qui pourquoi pas peut aussi évoquer une autre réalité ?
Dernière piste possible : l’héroïne principale du roman, Aomamé, entre en 1Q84 en empruntant un raccourci sur une autoroute, comme par une « porte » qui serait le passage vers un autre monde (c’est aussi un peu comme Alice, au pays des merveilles). Vous pouvez faire de même, votre personnage peut emprunter un passage improbable qui le mène vers un monde différent.
J’avoue que ce genre de destination « en abyme » est un peu troublante, mais j’aime bien l’effet que procure le vertige, laissons-nous étourdir !!
A vos claviers,
Prêts ?
Ecrivez !
JFP
http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=DzjqjpUidPc une vidéo de l’enregistrement du livre audio avec des commentaires intéressants des narrateurs.
http://www.randomhouse.com/features/murakami/site.php le site U.S de Murakami, à découvrir, bien qu’en anglais.
http://www.lemonde.fr/livres/article/2013/04/18/ruee-sur-le-nouveau-murakami_3161770_3260.html infos sur le futur Murakami parut en avril au Japon et à paraître chez nous.
PS : je tiens à modérer mon enthousiasme sur 1Q84, car en préparant cette destination, j’ai découvert que nombre de lecteurs ne partageaient pas mon appréciation de la trilogie…