Destination : 222 , L'enfant intérieur
Une nouvelle fois nous allons faire un petit tour du côté de la psychologie. Ce pays, frontalier de la philosophie est plein de verts pâturages même s’ils sont parfois difficiles à aborder. Quel est aujourd’hui le voyage proposé ?
Je ne sais pas si vous avez entendu parler de l’enfant intérieur. Je vais essayer d’être clair, bien qu’absolument non spécialiste. Peut-être vais-je simplifier à outrance, vous me direz.
Dans les années 60, à la suite des travaux de Jung, en reprenant également de nombreux mythes anciens où des enfants jouent un rôle primordial (Rémus et Romulus, Zeus, le Petit Poucet, Moïse, Œdipe, etc…), des psychologues ont émis l’hypothèse qu’en nous coexistaient notre moi adulte et également notre enfant intérieur parfois malmené, sensible, muet, celui qui ressent, qui parfois souffre et qui expliquerait bien des désarrois, des déséquilibres de la vie adulte. La théorie devenue plus mûre s’est complexifiée faisant abriter en nous l’adulte, le parent et l’enfant, chacun se répartissant les rôles dans notre inconscient. Les thérapeutes ont ainsi développé des techniques visant à atteindre cet enfant intérieur, à l’écouter puisqu’il serait en souffrance avec des manques, des comportements régressifs, immatures, causes de malheurs de la vie adulte. Enfin, ces thérapeutes proposent d’entrer en contact avec cet enfant intérieur en vue de le guérir, en devenant le parent bienveillant de cet enfant. L’adulte, ayant guéri son enfant intérieur se trouve in fine en équilibre, en route sur le beau chemin du bonheur…
https://fr.wikipedia.org/wiki/Enfant_int%C3%A9rieur
http://www.psychologies.com/Moi/Se-connaitre/Personnalite/Articles-et-Dossiers/Retrouver-l-enfant-en-nous/L-enfant-interieur-qu-est-ce-que-c-est
(lire « guérir son enfant intéieur » de Moussa Nabati, excellent auteur et livre intéressant)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Moussa_Nabati
J’ai pris pas mal de raccourcis parce qu’il existe pas mal de littérature sur ce sujet avec des points de vue parfois différents.
Qu’est-ce que je vous propose dans cette destination ? Vous l’avez sans doute deviné, il s’agira d’entrer en contact avec un enfant intérieur, que ce soit le vôtre ou celui d’un personnage fictionnel que vous présenterez. Bien sûr, la forme privilégiée de cette destination sera le dialogue mais ce n’est pas une obligation. L’idée, c’est de donner la parole à un enfant intérieur, tout simplement l’enfant que vous étiez il y a bien longtemps ou celui d’une autre personne. L’idée c’est aussi que ce dialogue « intérieur » soit principalement entre l’adulte et l’enfant de la même personne. Dit comme cela, cela paraît étrange mais je suis sûr que vous avez suivi l’itinéraire proposé.
Une fois n’est pas coutume, je vous propose de lire un extrait du roman que je suis en train d’écrire. Il y a plusieurs personnages forts différents dans ce roman, et l’un d’eux est psychologue, Marc.
A ce moment du roman, il reçoit pour la deuxième fois M. Markov, un patient assez étrange qui a la particularité de travailler comme ingénieur en vol aéronautique. Ce qui est étrange pour M. Markov c’est que depuis quelques temps, lorsqu’il est en vol il se charge en souvenirs d’une enfance africaine alors qu’il a toujours vécu en France. Ce qui le déstabilise c’est que ces souvenirs lui semblent être siens…
«…
Marc est lui aussi dans son cabinet, quelque chose de plus classique, plus sérieux, plus neutre et plus masculin. Tout est dans des tons de gris colorés mélangé à un blanc subtilement cassé. Marc est tout en nuances, tout en douceur… Il passe pas mal de temps à rêver. Il parle de méditation, mais c’est essentiellement du rêve. Il a toujours rêvé, depuis qu’il est enfant. Il aime ménager des pauses entre deux patients. Qui doit-il recevoir maintenant ? Ah M. Markov, un cas intéressant, qu’est-ce qu’il va bien pouvoir co-construire avec lui ? Il ne sait pas encore s’il va pouvoir l’aider, s’il va pouvoir créer cette relation, ce qui va permettre à M. Markov d’élaborer des changements en lui, de lui permettre d’aller mieux.
— Bonjour M. Markov, ça va ?
— Oui, bien, et vous ?
— ça va, je vous remercie. Cela vous a fait du bien, notre séance précédente ?
— Un peu, cela m’a soulagé de vous confier tout cela, mais je ne sais pas trop ce qu’on va pouvoir en faire, où nous allons aller…
— Nous sommes là pour y travailler ensemble. Vous avez fait de nouveaux rêves ou plutôt vous avez eu de nouveaux souvenirs ?
— Non, je suis resté au sol, j’avais pas mal de travail de calcul, de mesures à traiter. Tant que je reste au sol, je n’ai pas de nouveaux souvenirs « exotiques ».
— Très bien, aujourd’hui, je vous propose que nous travaillions si vous le souhaitez sur les autres souvenirs, ceux de votre enfance « française ».
— Si vous voulez, d’autant plus qu’ils ont tendance à se restreindre, comme mangés par les autres souvenirs… par où commencer ?
— Tout simplement par votre naissance, racontez-moi.
— Bien sûr, ce ne sont pas des souvenirs ! D’après ce que je sais, mes parents se sont rencontrés à l’âge de 23 ans je crois dans un des nombreux bals de la région. C’était la fin des années 60, les rencontres se faisaient plutôt facilement parait-il à l’époque. Mon père était ouvrier, peintre dans le bâtiment et ma mère secrétaire. Quelques mois après leur rencontre, ma mère est tombée enceinte, ils ont du se marier dans l’urgence, ce qui fait que j’étais du mariage, dans le ventre de ma mère ! Je ne sais pas s’ils se seraient mariés sans ma venue…
— Quelque chose vous permet de l’affirmer ?
— Non, pas vraiment, si ce n’est que j’ai le souvenir de parents sans cesse se disputant, se querellant pour tout et pour rien, tout le temps.
— Alors… votre naissance ?
— Je suis né un 14 février, le jour de la Saint Valentin ! A l’époque ce n’était pas la fête des amoureux, c’était la fête d’un saint comme les autres ! Après ma naissance, ma mère qui venait juste de prendre un travail n’a pas voulu ou pu le laisser pour s’occuper de moi, alors ils m’ont mis chez une nourrice. J’ai appris longtemps plus tard que cette nourrice me maltraitait, partait de chez elle en me laissant des heures pleurer seul, sans me donner à manger. Mais je n’en ai aucun souvenir…
— C’est ce que vous pensez, le corps, votre corps se souvient de tout. Que pensez-vous de cet enfant qui pleure tout seul ?
— Je suis triste pour lui.
— Comment le visualisez-vous ?
— je le vois seul dans le noir, dans une grande pièce en train d’hurler, terrorisé d’être abandonné…
— Qu’avez-vous envie de faire ?
— J’ai envie d’aller vers lui, de le prendre dans mes bras, de le serrer contre moi et de lui dire de ne pas avoir peur, que je l’aime…
— Alors faites-le, dites-le lui, parce qu’il est là au fond de vous qui vous appelle, il vous attend depuis si longtemps… Allez-y, pleurez, laissez aller vos émotions, acceptez-les…. »
…
Bon, je ne suis pas complètement dans la destination, mais c’est l’écriture de ce passage qui m’a donné l’idée de cette destination.
Bonne écriture et bons dialogues !