Destination : 244 , A la sauce Malaussène
Destination 244 : A la sauce Malaussène
Ce mois-ci, Daniel Pennac exhume des oubliettes sa saga « Malaussène ». Je dois vous avouer avec une pointe de frustration et d'envie que je n'ai pas encore lu cette trilogie initiale devenue heptalogie ce mois de janvier. Cette destination est inspirée d'un entretien paru dans le « magazine littéraire » de janvier 2017, ainsi que de recherches sur le net. Dans son interview, Daniel Pennac nous lève un petit peu le voile sur la cuisine littéraire qui lui a permis de nous concocter de si fameux romans.
La saga Malaussène est une saga familiale qui tourne autour du anti-héros Benjamin Malaussène qui a la malheureuse particularité d'être un bouc-émissaire professionnel ce qui lui vaut bien sûr un nombre incroyable de déboires. Autour de lui gravite une famille non moins originale avec une mère inexistante, une sœur voyante, une autre sœur toujours en colère, un frère très turbulent, etc. Benjamin Malaussène, a en charge toute une clique de frères et sœurs tous les uns plus déjantés que les autres. (Vous me corrigerez si je me trompe).
Pour cette destination, je vous propose de nous inspirer de la cuisine de Pennac en choisissant une des deux voies que je vais vous exposer.
Première voie : nous nous penchons du côté des ingrédients. Dans votre texte, il vous est proposé d'incorporer : un bouc-émissaire, une photo (que vous évoquerez et dont vous choisirez l'importance, elle n’apparaîtra pas physiquement), une voyante ou une voyance, une colère, un animal catastrophique (à l'instar de Julius le chien malodorant et annonciateur de mauvaises nouvelles de la série romanesque).
Deuxième voie, nous nous penchons du côté de la technique du cuisinier, de son inspiration. C'est Daniel Pennac qui le raconte lui-même dans son entretien, il s'est imposé dans chaque roman des contraintes « oulipiennes ». Dans chacune de ses histoires, il y a : une mort et une naissance, une engueulade, une forte suspicion de culpabilité, le désir d'induire en erreur le lecteur, des personnages en forte opposition. Dans votre texte, vous reprendrez le maximum de ces contraintes à votre charge pour nous produire un texte « à la sauce Malaussène ».
Vous le constatez, les deux voies se ressemblent un peu, il est bien normal que la cuisine produite ressemble à son cuisinier, aussi n'hésiterez-vous pas à y ajouter vos épices personnelles.
Enfin il me semble ici bon de nous arrêter un petit moment sur la thème du bouc-émissaire qui inspire Pennac dans ses romans. Cette figure semble remonter à l'aube de l'humanité et évoque les victimes sacrificielles par exemple exécutées par les Grecs anciens. C'était une victime expiatoire qui lors d'un rite de purification permettait d'apaiser des Dieux pour des fautes commises par la communauté. On retrouve ce rite dans nombre de sociétés primitives. Étymologiquement, le terme « bouc-émissaire » fait référence à une très ancienne tradition juive qui consistait à charger un bouc (expiatoire) de toutes les fautes et malheurs du peuple juif et à l'envoyer dans le désert en direction d'Azazel (démon, ange déchu) afin de détourner la malédiction de Dieu.
Il est étonnant de constater que le bouc-émissaire a traversé les siècles pour arriver jusqu'à nous et survivre dans notre monde moderne. Plusieurs intellectuels se sont penchés sur la question et je citerai ici le philosophe René Girard qui théorise le bouc-émissaire notamment dans son ouvrage « la violence et le sacré ». Il développe l'idée de la nécessité inconsciente d'une société de se trouver des boucs-émissaires, là pour apaiser des pulsions violentes de groupes qui ne peuvent les assouvir. A cette théorie du bouc-émissaire qui viendrait expliquer l'origine de la violence des sociétés humaines et de son expression, René Girard adosse la théorie du « désir mimétique » c'est à dire du désir d'imiter l'autre, de désirer ce qu'il désire, ce, jusqu'au point de déclencher des pulsions de violence visant à s'approprier cet objet du désir. Trop rapidement résumées ici, je trouve ces théories (controversées) intéressantes pour ce qu'elles nous donnent à réfléchir sur la nature de notre humanité et cette question centrale de la violence qui s'y exerce depuis toujours.
Bonne écriture, et ne me choisissez pas comme bouc-émissaire en cas de difficulté !
http://fr.wikipedia.org/wiki/Saga_Malauss%C3%A8ne Sur la saga Malaussène
http://fr.wikipedia.org/wiki/Bouc_%C3%A9missaire Sur le bouc émissaire
http://www.rene-girard.fr/ René Girard
