Destination : 25 , Jeux Oulipiques


Chers amis, si je ne m’abuse, dans quelques semaines débuteront les jeux olympiques d’Athènes. Il n’y a pas de raison que seuls les muscles soient mis à contribution ! D’autant plus que les poètes grecs furent en leur temps de furieux joueurs de mots. Car c’est bien de cela qu’il s’agira dans cette nouvelle destination, de jouer avec les mots. Pour cela, nous emprunterons quelques unes des pistes travaillées par les Oulipiens.

( qui comme chacun le sait sont les pratiquants de l’Oulipo*)
Les ateliers d’écriture (mais pas beaucoup le notre) se sont beaucoup inspirés de leurs idées (logo-rallye et autres S+7 **) en suggérant que de la contrainte peut naître un texte qui exprime des choses que l’on arrivait pas à formuler auparavant. Georges Pérec a réussi le prodige d’écrire un roman « la disparition » sans utiliser la lettre e.

Mais nous nous éloignons. Je vous propose au cours de cette quinzaine d’expérimenter différents « Jeux Oulipiques » en vous inspirant ou en utilisant les poèmes suivants :



Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,

Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,

Et puis est retourné, plein d'usage et raison,

Vivre entre ses parents le reste de son âge !



Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village

Fumer la cheminée, et en quelle saison

Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,

Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?



Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,

Que des palais Romains le front audacieux,

Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine :



Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,

Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,

Et plus que l'air marin la doulceur angevine.



Joachim du Bellay





L'invitation au voyage

Mon enfant, ma soeur,

Songe à la douceur

D'aller là-bas vivre ensemble !

Aimer à loisir,

Aimer et mourir

Au pays qui te ressemble !

Les soleils mouillés

De ces ciels brouillés

Pour mon esprit ont les charmes

Si mystérieux

De tes traîtres yeux,

Brillant à travers leurs larmes.



Là, tout n'est qu'ordre et beauté,

Luxe, calme et volupté.



Des meubles luisants,

Polis par les ans,

Décoreraient notre chambre ;

Les plus rares fleurs

Mêlant leurs odeurs

Aux vagues senteurs de l'ambre,

Les riches plafonds,

Les miroirs profonds,

La splendeur orientale,

Tout y parlerait

À l'âme en secret

Sa douce langue natale.



Là, tout n'est qu'ordre et beauté,

Luxe, calme et volupté.



Vois sur ces canaux

Dormir ces vaisseaux

Dont l'humeur est vagabonde ;

C'est pour assouvir

Ton moindre désir

Qu'ils viennent du bout du monde.

- Les soleils couchants

Revêtent les champs,

Les canaux, la ville entière,

D'hyacinthe et d'or ;

Le monde s'endort

Dans une chaude lumière.



Là, tout n'est qu'ordre et beauté,

Luxe, calme et volupté.



Charles Baudelaire







Mais quels sont donc les Jeux Oulipiques proposés ?





- 1 Le lipogramme : épreuve qui consistera à réécrire ici l’un des deux textes (ou les deux) en s'interdisant une ou plusieurs lettres.

(super facile avec le z, plus difficile avec le a, très dur sans le e). Il va sans dire que le texte deviendra autre, sans les contraintes de pieds ou de rimes ?



- 2 Le S+7** (ou +2, +3, +4…) Nécessite un dico de poche souple et un bon coup de poignet. (doit pouvoir se faire pour les petits malins avec un dico numérique)

- 3 Le tautogramme Si sa soeur Sophie savait seulement sauter sans sa sucette, Simon serait satisfait.

La longue ligne longe le local loué.

Zoé zozote quand Zorro zézaye.

C’est l’inverse du lipogramme, on case un maximum de fois la même lettre. (on étendra ici cette notion pour ceux qui le veulent à un son ). Toujours en trafiquant les poèmes proposés.

4 – Le Centon. On prend des morceaux d’un ou des deux poèmes cultes et on fabrique un autre texte !

5 – Chimères. On prend « Heureux qui comme Ulysse », on le vide de ses noms, adjectifs et verbes. On les remplace dans l'ordre en lieu et place par ceux du poème de Baudelaire (faire un tableau peut aider). On peut faire l’inverse pour « l’invitation au voyage », on peut remplacer les mots dans l’ordre inverse…

Heureux qui comme Ulysse … devient :

Doux qui comme mon enfant…







* Oulipo : OUvroir de LIttérature POtentielle. A ceci de particulier qu’il

est quasi-impossible à définir simplement (pas en tous les cas dans tout ce que j’ai lu). Mouvement qui ne s’en veut pas un, créé en 1960 par Raymond Queneau et François Le Lionnais (entre autres), rapidement rejoints pas Pérec, Fournel… L’Oulipo réfléchit et écrit de la littérature potentielle en analysant des structures déjà existantes ( poèmes à forme fixe classiques) ou en en provoquant de nouvelles à l’aide de contraintes. Le tout solidement ficelé avec une bonne dose d’humour, de poésie et de jeu.

cf. : « La littérature Potentielle » Oulipo Ed. Folio essais. (prévoir des prises de têtes mais aussi des rires)

http://www2.ec-lille.fr/~book/oulipo/





** S+7 : on remplace chaque mot par le 7ème suivant (de même nature) dans l’ordre d’un dictionnaire.



« Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage… »

devient à l’aide de mon Larousse de poche édition 1954 :

« Hiérarchique qui comme Uranus a farci un belligérant vrombissement… »



Bon, échauffez-vous avant bien avant d’entreprendre une épreuve. N’oubliez pas que l’important est de participer. S’il y a des « pentathloniens » (qui réalisent les cinq épreuves), je leur tire mon chapeau. Juste une chose dans vos écrits, gardez en vue qu’il doit rester une idée de voyage ou une parenté avec l'antiquité (grecque).

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