Destination : 280 , Performances
Destination 280 Performances
Performance. Nous ne prendrons pas ici le sens de performance tel qu’on peut le rencontrer couramment dans les domaines sportifs, financiers, aventuriers… Non, nous nous intéresserons à la performance artistique ou plutôt à l’art performance. C’est le sens anglais de performance : représentation. Cette destination est née de la énième rencontre avec le travail de l’artiste Abraham Poincheval. Vous avez tous probablement entendu parler de ses frasques artistiques.
La dernière en date : l’artiste a parcouru en juillet 120 km en Bretagne, à pied, en armure de chevalier.
Peu de temps auparavant (en juin), il s’était enfermé une semaine dans une réplique (agrandie 10 fois) en bois de l’homme-lion, statuette de l’Aurignacien (-32 000 ans) à Aurignac (Haute-garonne).
Quelques unes de ses précédentes performances :
En 2017, au palais de Tokyo (Paris), lors d’une exposition qui lui est consacrée, l’artiste performeur s’enferme dans un rocher où est découpée une silhouette humaine. Il couvera également lors de cette exposition des œufs de poule pendant plus de trois semaines jusqu’à leur éclosion.
En 2015, Poincheval remonte le Rhône de Lyon jusqu’à la Suisse à l’intérieur d’une grande bouteille.
Entre juillet 2011 et mai 2012, l’artiste va de Digne à Cagliari (Italie) en poussant un cylindre métallique contenant tout ce qui lui est nécessaire et également une caméra filmant le roulis de cette aventure.
Avec ses performances, je me demande ce que l’artiste vit, ce qu’il ressent, ce qu’il veut nous dire, nous faire partager. Une des pistes possible de cette destination est de choisir une des performances de l’artiste, d’écrire à propos de sa démarche, ce que cela vous inspire : de la poésie, mais aussi un récit où vous pouvez vous mettre à sa place, des réflexions. Vous pouvez également inventer une performance « à la manière de Poincheval » et nous la conter : une semaine dans le séchoir d’une laverie, quelques jours dans la statue d’un Ronald Mc Donald, 9 jours sous les Champs Elysées en remplaçant une plaque d’égouts en fonte par une plaque en plexiglas…
Voici ce que l’artiste dit des ses performances : « Je conçois le temps [de mes performances] comme un voyage terrestre intérieur. Ma démarche est de savoir par moi-même ce qu’il en est du monde, un peu à la manière du Candide de Voltaire. »
Pour élargir un peu ce que nous propose Poincheval, je suis remonté aux sources de la performance. Par essence, la performance est quelque chose d’éphémère, qui laisse peu de traces, qui est faite pour être réalisée au présent (en « live » disent les anglophones). Elle ne sera connue que par les traces qu’elle laissera d’elle : témoignages, vidéos, photos, textes, enregistrements sonores... Certains historiens de l’art proposent que les origines de la performances coïncident avec celles de l’Homme : rituels, rites de passage. Il semblerait que toutes les cultures aient pratiqué l’art performance avec ses caractéristiques propres.
Au niveau de l’art contemporain, la performance regroupe différentes pratiques (classification ni exhaustive, ni officielle) :
- la « performance concrète » où l’artiste par son comportement fait œuvre artistique face à un public.
- la « manœuvre »: il s’agit de troubler l’environnement du spectateur, de ses habitudes ; le spectateur étant participant dans l’œuvre. Marcel Duchamp : « c’est le spectateur qui fait le tableau. »
- le happening : là encore le public est participant, faisant partie de l’œuvre pour laquelle l’artistique a préparé une situation qui se veut spontanée.
- la poésie-action : d’habitude un poème est tout d’abord écrit par un poète pour être ensuite lu par d’éventuels lecteurs. Là, le poème est conçu pour être lu en public, voire pour être conçu en public, voire encore pour être conçu avec ses auditeurs. La poésie-action tout comme la poésie sonore sont des formes artistiques qui ont presque un siècle d’existence avec des groupes initiateurs tels que Dada, les Futuristes ou encore le courant du Simultanéisme. Assez méconnu cet art de la performance mérite qu’on le considère ici. Bernard Heidseik, un des trois fondateurs de la poésie sonore en France la définit ainsi :
« Depuis 1955 […] j’ai tenté, utilisant le magnétophone depuis 1959 comme moyen complémentaire d’écriture, de mettre la poésie « debout » de la sortir du drap de son livre pour la rendre active, rebranchée physiquement sur le monde et la société. Mon travail comporte donc trois phases : tout d’abord celle de l’écriture, puis celle de l’enregistrement des textes et du travail sur la bande (pouvant comporter l’introduction d’éléments extérieurs au texte) et celle de la lecture publique, chaque texte pouvant requérir un mode de lecture différent, son type de lecture spécifique. C’est à ce stade que la poésie devient « action », terme que j’utilise depuis 1952 pour la caractériser. »
http://www.mediatheques-cus.fr:88/UserFiles/parcours_thematiques/lit_bd/pdf/biblio_lit/2009/Biblio_Poesie_action_04122009.pdf
- l’art corporel où le matériau de production artistique est essentiellement le corps de l’artiste.
Nous le voyons dans ces définitions (simples) de l’art performance, les limites habituelles du champ artistique sont déplacées, il peut y avoir intervention du public, des médias, du théâtre, de la danse, pourquoi pas de la cuisine, de la sociologie, de la science, de l’humour, ou de tout autre type d’intervenant, je ne crois pas qu’il y ait de limites.
J’espère que toute cette matière que je vous propose, vous donnera l’idée d’un texte. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de trop se compliquer la vie : l’art performance (pour moi) c’est un moment, un geste, une parole où vous agissez sur le monde et dont vous percevez une esthétique… que vous nous ferez partager. Je pense par exemple à un moissonneur solitaire « à l’ancienne » qui avec sa faux couche progressivement des épis de blé sur une colline au coucher du soleil. J’imagine aussi une personne perchée sur un petit promontoire, au milieu d’une rue très passante qui se met à déclamer un horoscope farfelu et poétique au milieu de la foule, prenant ci et là, au gré des passants, des éléments qu’elle intègre à sa déclamation. Pourquoi ne pas imaginer encore des bambins se prêtant à du body art, se servant de leurs corps comme pinceaux pour décorer les murs d’une crèche. Bref, imaginez du beau dans le quotidien, créez des situations concrètes et actives, originales, produisant de l’art !
Il est aussi possible de se plonger dans ses souvenirs pour aller y rechercher des moments particuliers qui ont pour vous évoqué de la beauté en action.
Difficile d’être hors sujet !
Soyez performeurs !
http://poesieexp.hypotheses.org/112 des choses sur la poésie action
http://www.ubu.com/ indescriptible et très performances mais qu’en anglais. Très avant-garde.
http://www.erudit.org/fr/revues/histoire/2012-v31-n1-histoire0205/1011678ar/ sur la manœuvre québecoise
http://www.palaisdetokyo.com/fr/evenement2/abraham-poincheval Poincheval au palais de Tokyo
JFP