Destination : 287 , Le dinosaure


Quand il se réveilla, le dinosaure était toujours là.

Cette phrase est plus qu’une phrase, elle est toute une histoire. C’est même une des plus courtes histoires qui soit. Dans sa version originale (« Cuando despertó, el dinosaurio todavía estaba allí.), elle a la réputation d’être l’histoire en langue hispanique la plus courte qui existe. Je vous avoue que je suis un peu hypnotisé par sa puissance et sa beauté, même en langue française. C’est une histoire où le lecteur doit combler les trous pour se la représenter. On oublie souvent de le dire, mais l’auteur ne doit pas tout dire, il doit laisser au lecteur la place pour créer, imaginer, se représenter. L’auteur pose des briques, à vous d’y ajouter le ciment et de compléter le bâtiment, de l’habiter comme bon il vous semble.
A partir de cette phrase, je vois plusieurs itinéraires possibles. C’est vrai que dans un premier temps, elle paraît sèche, aride, ne pas proposer grand-chose. N’ayez pas peur de la difficulté, c’est en l’affrontant, en gravissant sa montagne que vous parviendrez à un beau point de vue.

Premier itinéraire, assez simple ma foi : cette phrase est pour vous un point de départ, dites-nous ce qui se passe ensuite. Ne croyez pas être emprisonné dans la préhistoire à cause du dinosaure, il peut être un jouet pour enfant, ou être une personne qualifiée de dinosaure, ou que sais-je encore ?

Deuxième itinéraire, un peu plus ardu -quoique- , il vous faut terminer votre texte par cette phrase : Quand il se réveilla, le dinosaure était toujours-là.

Troisième itinéraire : un texte qui a pour titre cette phrase.

Quatrième itinéraire : votre interprétation de ce que l’auteur a voulu faire en proposant cette histoire, ce que selon vous son énoncé propose. Dans ce texte, vous proposez en quelque sorte des hypothèses, des analyses, des remarques, des interprétations.

Cinquième chemin : manipulez, transformez, faites varier à l’infini cette phrase. Et proposez-nous vos variations :
- Quand tu te réveillas, ton dinosaure n’était plus là.
- Réveilles-toi, le dinosaure est toujours là !
- Quand il se réveilla, le dinosaure c’était lui.
- Au chant du réveil, le dîner au saur était toujours au menu.
Etc… en proposant des variations plus réfléchies, vous pouvez proposer quelque chose qui évolue de manière à ce qu’après moult mutations on retombe sur les pattes du dinosaure ou complètement ailleurs. (proposition volontairement brumeuse).

Sixième exercice : faites un acrostiche avec cette phrase. Votre première phrase débutera par un Q, la deuxième par un U, la troisième par un A… et la dernière aussi. (43 phrases si mon comptage est bon). Version courte en 9 phrases ou chaque phrase commence par un mot de la phrase clé.

En regardant plus loin, nous pouvons imaginer d’autres horizons à cette destination. Vous aussi, vous pouvez proposer des phrases minimalistes qui contiennent à elles seules une histoire. Vous pouvez même demander à d’autres personnes de l’atelier de les utiliser comme ressource pour cette destination.

Autre possibilité : interroger la temporalité de cette phrase et la changer. Regardez, si l’on écrit : « quand il se réveillera, le dinosaure sera encore là » ou bien « quand il se réveille, le dinosaure est encore là », cela peut donner autre chose que vous pourrez exploiter.

Vous savez comme j’aime vous conter la genèse houleuse des destinations avant qu’elles arrivent à bon port. J’espère que cela vous divertit, sinon, n’hésitez pas à sauter ce passage, pour aller plus bas.
A bord de ma voiture diesel, (dinosaure mécanique polluant), je me dirigeais sur les infinies routes de campagne ondulantes de ma campagne gersoise. Zappant sur mon autoradio, lui aussi préhistorique, je tombais, alors que la fatigue m’envahissait, sur une émission consacrée aux ateliers d’écriture, ce qui me ragaillardit et permit que je finisse ma longue route dans un état de fraîcheur étonnant. Des intervenants très qualifiés, des écrivains, y relataient leur expérience d’animation d’ateliers d’écriture. Le tout entrecoupé d’appels d’auditeurs avides de partager leur passion d’écrivain amateur. Le plus passionnant des écrivains fut pour moi dans cette émission « Alain Manbanckou ». Il est de ces écrivains qui ont le don du verbe, que ce soit à l’oral comme à l’écrit. Aussi me fis-je la promesse de découvrir bientôt in extenso une de ses œuvres majeures. Mon ami Alain, donc, se mit à un moment à parler d’un classique des ateliers d’écriture, à savoir le travail, l’étude de la fameuse phrase « Quand il se réveilla, le dinosaure était encore là ». Je dois alors vous confesser ma honte de vous apprendre que :
1- je ne connaissais pas cette histoire courte malgré plusieurs destinations minimalistes (cf les destinations 168 et 105 ),
2- je ne vous avais jamais proposé ce grand classique. Je me suis alors dit que même Ailleurs se devait de proposer le minimum littéraire pour tous (le militous) et qu’il me fallait réparer cela au plus vite, ce que je fais aujourd’hui. J’espère que vous ne m’en voudrez pas de vous avoir fait attendre si longtemps pour découvrir que le dinosaure était toujours là !
Cette genèse pourrait s’arrêter là si le lendemain -je vous jure que c’est vrai-, ne m’était arrivée une drôle d’aventure. Alors que j’avais une envie de regarder un film de science-fiction, je décidais de regarder ce que mon fournisseur de VOD me proposait. J’optais pour le récent « realive » dont je n’avais pas entendu parler. Le résumé me paraissait intéressant : « Alors qu’il se sait condamné, un jeune homme décide de se faire cryogéniser en attendant que la science du futur le ressuscite ». Oui, je sais, j’ai des goûts un peu puériles. Au début du film, on voit le jeune homme lorsqu’il était enfant jouer à plusieurs reprises dans l’herbe avec un dinosaure en plastique. Je ne fais pas encore le rapprochement avec cette destination.
Bien sûr, dans le futur, on arrive à le réveiller (je ne vous révèle pas non plus quelque chose de capital) et à un moment donné on lui propose de retrouver un coffret qu’il s’était adressé pour le futur. Et là, j’ai un déclic, je me dis : pourvu que le dinosaure y soit (pour vérifier la phrase prophétique). Grosse déception : il y a une balle rebondissante de son enfance, mais pas le dinosaure, quel manque de goût et de culture de la part du réalisateur !
Bon, le jour suivant, une nouvelle fois dans ma vie, une situation me fait dire qu’elle peut tout à fait coller avec « quand il se réveilla le dinosaure était encore là », mais je crois que ce serait abuser que de vous conter un peu plus de ma vie…

http://www.biblioblog.fr/post/2005/06/16/62-le-dinosaure-augusto-monterroso

http://fr.wikipedia.org/wiki/Augusto_Monterroso sur Augusto Monterroso, l’auteur du « dinosaure ».

http://www.seuil.com/auteur/alain-mabanckou/4027 Alain le magnifique

http://www.franceinter.fr/emissions/le-telephone-sonne/le-telephone-sonne-23-novembre-2018 l’émission radio sur les ateliers d’écriture

http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=231525.html "realive", le film.

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