Destination : 292 , Destination basse


C’est une destination que j’ai eu du mal à écrire, pourtant, j’ai bien envie de vous la soumettre. Si vous la lisez, c’est que j’ai franchi le pas. Sinon, elle dort encore sur mon disque dur et attendra des jours meilleurs.
Pourquoi ces réticences ?
Eh bien, c’est un sujet qui me fait peur, bien qu’il soit au départ anodin. Allez, je vous raconte tout : je lisais mon Books de janvier, lorsque je suis tombé sur un petit article original racontant qu’un japonais -peuple pudique s’il en est- avait écrit un livre complet sur le caca*. Oui, vous avez bien lu, un livre où il dresse par exemple une typologie de tous nos excréments. Bien qu’un peu dégoûté je me suis pris de curiosité pour cet article et j’y ai lu des choses intéressantes si ce n’est passionnantes. Par exemple, les excréments humains représentent chaque jour l’équivalent d’une tour de 820 km de haut (avec une base de tatami) ou encore cela recouvrirait en 22 minutes la principauté de Monaco (ironie?) avec une épaisseur de 1 cm. Voilà, j’ai les pieds dedans, bien que je ne sois pas monégasque !
Une nouvelle fois, je me permets de vous signaler que je n’ai pas le moindre penchant « scatologique », que je ne souhaite pas le moins du monde vous révulser, provoquer du dégoût, je vous respecte trop pour cela et je ne veux pas que vous pensiez, imaginiez même une seule seconde, que je puisse me moquer de vous. Cependant, le sujet, en l’élargissant un peu, me paraît particulièrement intéressant.
Mais revenons à Bunpei Yorifuji, l’auteur (illustrateur !) dont je vous parlais. Il nous fait remarquer que nous considérons nos excréments comme des déchets alors que ce sont des nutriments pour les plantes. En renversant la situation, les plantes rejettent la majeur partie de l’oxygène que nous respirons et nous ne considérons pas que ce sont des déchets et encore moins leurs excréments.
Ces réflexions m’ont rappelé deux petites choses : la première, la plus étonnante peut-être est l’origine de la phrase que nous employons tous (les francophones) quand nous rencontrons quelqu’un : « comment allez-vous ? ». Eh bien cette phrase interroge à l’origine votre interlocuteur afin de savoir comment il va [à la selle] , c’est à dire si son transit est bon, ou encore s’il est en bonne santé.
Comme vous, cette question est devenu pour moi culturellement impudique, voire déplacée, mais il faut croire que c’est une question d’époque et de culture.
Aujourd’hui, nos intestins et leur contenu sont revenus à la mode, pour ceux que cela intéresse, les articles ne manquent pas, on parle même de « deuxième cerveau » tant son importance sur notre santé, sur notre esprit est cruciale.
Le second fait qui m’est revenu en mémoire est à propos de ce très beau film que j’avais vu ,« le chien jaune de Mongolie », où l’on s’aperçoit qu’une famille vivant en autarcie dans sa yourte a besoin de collecter les bouses séchées de ses yacks pour se chauffer.
Bon, je vous avais parlé d’étendre le sujet. Je pense que l’on peut s’interroger et écrire sur toutes nos secrétions et productions corporelles. De manière non exhaustive je pense ici à notre sang, notre sueur, nos larmes, notre urine, nos ongles, cheveux, hormones, desquamations diverses, salive… à vous de compléter avec vos interrogations et connaissances anatomiques. Un sujet connexe si je puis dire est celui des déchets végétaux et animaux, pourquoi pas également industriels et moraux ?
Vous allez me dire, mais que vais-je pouvoir produire sur cela ? Tout est possible, de la poésie à la nouvelle sur une de ces matières, pourquoi pas un pseudo article scientifique et futuriste sur l’élimination de l’urée des robots ?
Faites confiance à votre imagination, interrogez-vous, observez le monde, élaborez des hypothèses, proposez-nous vos textes, nous les lirons avec bienveillance !

* Au cœur du caca, de Bunpei Yorifuji, Ed. B42, 176p. (caca vient du grec « kakos », mauvais)

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