Destination : 297 , Saudade, spleen et mélancolie
Difficile de définir ce qu’est la saudade, chère à nos amis lusophones, mais essayons tout de même. D’après mes recherches, ce mot portugais serait né dans les colonies d’Afrique, du Cap vert, de Madère, des Açores. Il exprimait le manque de la mère patrie, désignant quelque chose de perdu, de distant. Pour faire un lien avec la destination précédente, Fernando Pessoa disait que c’est « un sentiment qui naît de la séparation, certes, mais qui évoque de la délectation ». Pour moi, la meilleure évocation de la « saudade » émane de la chanteuse cap-verdienne Cesaria Evora qui le chanta si bien à travers de nombreux albums et que je ne saurais trop vous conseiller d’écouter. Bref, les portugais aiment ce sentiment doux amer qu’ils cultivent dans leur cœur et que l’on peut aussi entendre au coin d’une rue de Lisbonne, dans le quartier de l’Alfama, qui vous fera vous arrêter pour écouter une guitare accompagnant une voix rocailleuse sur un air de fado.
Pour son cousin le spleen, dont l’origine anglaise a ceci d’étonnant que ce mot désignait outre-manche la rate, organe que l’on soupçonnait d’abriter ce sentiment. Communément, le spleen désigne une forme de mélancolie qui surgit sans raison apparente. Chez nous, c’est Baudelaire qui rendra célèbre ce sentiment, mêlé à une forme de dépression qui le pousse à des comportements suicidaires. Présent dans les Fleurs du mal, l’auteur lui consacre tout un recueil qui paraîtra après sa mort : « le spleen de Paris ».
Finalement, il me reste à décrire la mélancolie, à laquelle se rattachent les deux sentiments présentés plus haut. Étymologiquement, elle nous ramène du côté du spleen, parce qu’elle signifie « bile noire ». Comme quoi, depuis Hippocrate et sa théorie des humeurs, il y a toujours un courant de pensée pour exprimer que tout ce que nous ressentons à des origines chimiques et biologiques. Je vous laisse vous faire votre opinion. Ce qui est intéressant, c’est de constater que chez les auteurs classiques anciens, la mélancolie était synonyme de tristesse, d’une tristesse génératrice d’un certain état de folie possiblement créatrice. Elle n’était pas connotée aussi négativement comme c’est le cas aujourd’hui, réduite au rang de pathologie à soigner, que ce soit suivant le courant psychanalytique (dépression) ou médical (manque de sérotonine). Cette dernière remarque me fait penser que l’écrivain français contemporain le plus connu dans le monde serait Michel Houellebecq et qu’il a sorti il y a peu « Sérotonine ». Je vous avoue que je me suis laissé allé à en lire le début, en librairie. Il se lisait bien, facilement, même si une sorte de désinvolture triste s’en échappait. J’ai failli l’acheter pour le lire, mais je me suis dit que cela risquait de me rendre triste, voire mélancolique !?
Bon, j’ai beaucoup parlé, mais ce que je vous propose dans cette destination est très simple : écrire quelque chose en rapport avec la saudade, le spleen, ou la mélancolie. Toutes les formes sont acceptées et bienvenues : poétiques, journalistiques, narratives, fictives…
Comme vous l’avez remarqué en pratiquant l’écriture, ce n’est pas en allant vers ce qui est amusant, facile, drôle que l’on écrit le mieux, c’est plus souvent en allant du côté de la bile noire que l’on trouvera matière à y tremper sa plume.
Bonne écriture, ce que vous écrirez procurera encore moult bonheurs à vos lecteurs !
PS : cette destination ne serait pas complète si je ne vous signalais pas une excellente émission radiophonique que j’écoute de temps à autre : « remède à la mélancolie » sur France Inter.
http://www.franceinter.fr/emissions/remede-a-la-melancolie
http://editions.flammarion.com/Catalogue/hors-collection/litterature-francaise/serotonine sur le nouveau roman de Michel Houellebecq
http://journals.openedition.org/lcc/103 analyse universitaire sur la saudade.
http://www.eclairement.com/Spleen-de-Charles-Baudelaire-le « Quand le ciel bas et lourd... » Baudelaire en plein spleen dans toute sa beauté, avec une analyse littéraire.
http://www.academia.edu/35484490/SAUDADE_ET_NOSTALGIE_DE_LABSOLU_CHEZ_FERNANDO_PESSOA_ET_EMIL_CIORAN Saudade, Pessoa et Cioran