Destination : 357 , Transmissions
Destination 357 : Transmissions
Comme cela arrive régulièrement, je vais commencer par vous raconter une histoire. Elle est tirée du Books de novembre-décembre 2021. C’est est une traduction d’un article paru initialement dans Die Zeit, écrit par Lilli Heinemann, journaliste indépendante. Elle raconte comment une histoire familiale tragique, dont elle n’avait pas connaissance, a hanté sa vie jusqu’à ce qu’elle fasse la lumière.
A la fin de la deuxième guerre mondiale, son grand-père maternel, alors âgé de 43 ans, vivait dans la région isolée du Blockland, en Allemagne (état de Brême), dans une ferme retirée, avec toute sa famille (beaux-parents, parents, femme, enfants, etc.). Une nuit de novembre 1945, la maisonnée fut réveillée par un groupe d’hommes armés, d’anciens travailleurs forcés polonais. Tous les résidents de la ferme furent enfermés pendant que tout ce qui avait de la valeur était pillé. Les prisonniers furent ensuite conduits à la cave pour y être exécutés tous sans exception, soit treize personnes. Seul Wilhelm Hamelmann, le grand-père de l’autrice, bien que blessé à un bras et à une jambe, réussit à s’échapper et à gagner la ferme voisine à deux kilomètres de là. L’affaire fit grand bruit dans la région à l’époque, et la majorité des assassins furent arrêtés quelques semaines plus tard et jugés ensuite. Wilhelm dût revenir à la ferme, recommença sa vie avec une infirmière qui l’avait soigné, eu à nouveau trois filles et un garçon.
Le plus troublant dans cette histoire est l’attitude du grand-père, qui loin de plonger dans la haine et la colère se tourna du côté du pardon et de la compassion. Il alla jusqu’à demander que certains coupables ne soient pas condamnés à mort et que d’autres soient graciés une fois leur peine effectuée (20 ans de prison). Il fut violemment critiqué pour ce choix, recevant lettres d’injures ou de menaces.
Lilli Heinemann est née en 1985 et n’avait jamais entendu parler de l’histoire de son grand-père, décédé en 1979. Cependant, quelque chose planait au-dessus d’elle, qu’elle ne pouvait nommer. Elle parle d’un poids qui pesait sur elle, d’une tristesse qui l’accompagnait depuis toujours sans pour autant sembler lui appartenir. D’autres personnes de sa famille connaissent aussi des troubles, des cauchemars récurrents…
En découvrant cette histoire, Lilli Heinemann a pris conscience que sans cette tragédie, elle et ses parents n’auraient pas existé : son grand-père aurait continué sa vie avec « sa première famille ». Elle a aussi pu découvrir l’attitude de son aïeul, un homme qui était respecté de tous, qui a écrit un petit livre vert « Pardonner au lieu de se venger. Un récit poignant. »
Pour revenir du côté de notre atelier, je vous propose en ces temps dédiés à nos aïeux, de vous pencher sur la question de la transmission.
Que reçoit-on de nos ancêtres ? Que transmettons-nous à nos descendants ? Ces deux seules questions pourraient suffire à donner le la de cette destination.
Si on élargit le concept de transmission, il peut être transmis des caractères physiques (génétiques), des traits de caractère, des passions, des attitudes, des dons pour l’art, la musique, la cuisine…
J’entrevois plusieurs itinéraires possibles.
Le premier, reprenant un peu l’histoire en introduction raconterait dans une nouvelle comment une jeune personne, troublée, part à la recherche puis découvre une histoire de transmission importante.
Le deuxième itinéraire décrit lui une autre histoire, où à un moment donné quelque chose d’hérité, de transmis, joue un rôle non négligeable. Dans cette deuxième proposition, je propose que la transmission joue le rôle d’un déclencheur, d’un déclic ou pourquoi pas trahisse le héros ?
Pour le troisième et dernier itinéraire, la transmission prend une forme concrète (comme dans un héritage) et il s’agit cette fois de se focaliser sur un objet, un bien, un terrain, une propriété, une œuvre transmise par une autre personne. Choisissez quelle place donner à cette transmission dans votre nouvelle.
Pour résumer, trois routes proposées :
- la première qui s’inspire de l’histoire racontée en préambule,
- la deuxième où la transmission joue un rôle plus bref,
- la troisième où la transmission est concrète.
Il va de soi que vous pouvez à 100 % faire œuvre de fiction, sortons de la tyrannie « inspirée par des faits réels » !
Allez, je vous passe le relais !
JFP
PS : pour alléger le propos, je n’ai pas développé « la psychogénéalogie » dans la destination. C’est une branche de la psychologie (un peu plus complexe que cela) qui s’est développée à partir des années 70. Bien que controversée, cette approche vise à expliquer des traumatismes en remontant dans le vécu familial parfois sur plusieurs générations.
http://www.books.fr/le-traumatisme-en-heritage/ l’article intégral tiré de Books n°116