Destination : 13 , Polyglottes
L'Andalousie
Nous étions quatre amies assises à l'arrière de ce bus qui reliait
Malaga à Grenade en Espagne, c'était la première destination dans notre
programme " partir à l'assaut des villes de Séville, Grenade et
Cordoue , marcher sur les traces de nos ancètres ".
Nous ne voulions pas de visite guidée. Munies de nos cartes et de
nos livres, nous tentions de ressussiter l'histoire.
Il était assis de l'autre côté de l'allée et ses yeux fixaient
Sandra sans aucune gêne, il faut dire qu'elle était différente de
nous, très brune, les yeux clairs, pétillante de vie, spontanée,
toujours de bonne humeur, elle riait pour un rien mais si discrètement
qu'on l'entendait à peine.
Lui, une sorte d'hippie, un garçon aux cheveux longs, un sac en jean
vert en bandoulière, le pantalon en lambeaux et un gros pull en laine
malgré la chaleur de ce mois de juin.
Quand le bus s'est arrété à un relais, il nous a suivi et,
s'approchant de Sandra, il lui proposa dans un français très
approximatif, un café qu'elle ne refusa pas. En remontant dans le bus,
il s'installa d'autorité près de nous, à côté d'elle, il s'est
présenté, butant sur certains mots mais sans se décourager.
Nous avons compris qu'il s'appellait Mike, qu'il était américain et
qu'il faisait une tournée en Europe depuis le début de l'année,
périple qui touchait à sa fin , il nous a avoué que nos histoires
l'intéressait, il a connu l'histoire de l'Andalousie, version
espagnole, et à présent, "vous m'emportez dans votre monde, nous a-t-il
dit, vous avez bien dit " El Hamra ", en parlant du palais de
l'Alambra ? " Sandra tenta de lui expliquer que Séville s'appellait à
l'origine Ichbillia, que Grenade était Ghornata et Cordoue, Cortoba,
et, sans transition, faisant le geste d'être accompagnée d'un luth,
elle se mit à chanter, cette chanson folklorique de chez nous, au
rythme andalous : " Qu'elles sont belles les nuits d' Ichbillia et le
son de la guitare auprès de ma belle aimée! ", l'américain était aux
anges et nous, hilares, étranglées par le rire, tentions sans succès
d'accompagner notre amie.
Arrivés à destination, Sandra et lui trainèrent à l'arrière du bus,
ils nous firent signe de ne pas les attendre, ce n'était que beaucoup
plus tard qu'ils nous ont rejoints sur l'esplanade du palais, chacun
d'eux tenant une branche de thym à la main, " un porte- bonheur, que
nous a donné une gitane diseuse de bonne aventure ", nous éclaira
Sandra, qui, occupée par la conversation de son nouvel ami, nous a de
nouveau demandé de ne pas les attendre.
Dans les méandres du jardin, nous les croisâmes à maintes reprises mais
ils étaient trop distraits pour nous voir.