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FIN DE WEEK-END

La corpulente et sombre berline allemande fonçait sur la route parfaitement rectiligne en se moquant bien du paysage verdoyant et ensoleillé.

Une voix aigüe de fillette demanda avec force depuis le siège arrière de la voiture "Pourquoi Grand-papa doit-il rentrer si vite à la maison de retraite ?"

Le vieillard posa une main pâle et maigre sur la menotte de l'enfant comme pour lui imposer le silence.

Aucun commentaire ne se fit entendre à l'avant du véhicule.



Le père rougit et accéléra davantage, il se lovait dans la vitesse, se fondait en elle. Elle le libérait, le calmait.

La mère eut un tic nerveux et ferma les yeux.



"Pourquoi Grand-papa doit-il rentrer si vite à la maison de retraite ?" L'enfant hurlait sa demande.

Le père rugit " Cà suffit cette comédie ! Tu vas être punie !" La mère ouvrit les yeux et dit sur un ton doucereux "Ma chérie, le week-end est terminé. Demain papa et maman reprennent le travail et toi tu vas aller à l'école. Grand-papa est attendu avec impatience par Mme la Directrice et tous ses amis de la maison de retraite. Grand-papa va leur raconter le merveilleux week-end qu'il a passé avec nous. Je suis certaine que tout le monde sera un peux jaloux".

"Je veux que Grand-papa reste encore avec nous ! Il joue avec moi lui, il m'écoute lui ! "

Elle braillait en gigotant sur le siège. Le vieillard tentait avec de gestes affectueux de la calmer.



Le père ravalait avec peine la rage qui dansait violemment dans sa tête. Il continua d'accélérer. La mère submergée par l'angoisse enfonçait ses ongles dans les accoudoirs.



Dans le paysage, barrant la route, un passage à niveau automatique se rapprochait.



"Ma chérie, je remercie de tout mon coeur ton papa de m'avoir trouvé une maison de retraite si agréable. J'y suis vraiment heureux. Il me serait impossible de vivre ailleurs à présent. D'ailleurs le week-end prochain c'est moi qui vais t'inviter. On t'installera un petit lit dans ma chambre. Ce sera formidable ! On s'amusera mais on fera aussi les devoirs ! N'est-ce pas fiston tu es d'accord ?"



La voix du vieillard sortit brusquement le conducteur de sa torpeur destructive.



La berline freina violemment dans un bruit assourdissant au nez du passage à niveau automatique.

Un train à grande vitesse fusa martelant brutalement les rails.



Dans une corpulente et sombre berline allemande, quatre êtres humains livides, interloqués, retrouvaient peu à peu, en tremblant, leur souffle.



FIN

EVELYNE W