Destination : 53 , Journal d'un disparu volontaire
Partir loin
1er octobre
J’ai toujours eu envie de partir, fuir loin, que l’on m’oubli… Prendre la route, aller à l’aventure, au hasard…
Je roulerais sur l’autoroute pour me dégager le plus vite possible de la grande ville. Enfin respirer dans la nature, sur des routes secondaires bordées d’arbres, avec les champs de blés à perte de vue, des petits villages avec leur clocher où il fait bon vivre. Je m’arrêterai dans un bar-café-hotel à deux sous, ou je passerai ma première nuit de liberté dans une chambre avec un lavabo à la fuite chronique, ou je dormirais dans un lit bancal… Je dormirai enfin…
5 octobre
Le courage de partir ? Quitter tout ce que j’aime ? Enfin, ce que je croyais aimer et indispensable à ma vie ? Je pars oui demain je pars. Ils se débrouilleront bien sans moi ! Personne n’est indispensable… Il y en a plein les cimetières comme disait l’autre ! Tous ces censeurs qui rêvent de prendre ma fonction, ils verront bien que ce n’est pas si facile de… De quoi donc au faîte ? Je dirige quoi ? Rien ! Tout me tombe des mains. On me croit homme de pouvoir, puissant entre les puissants… Tous tremblent devant moi… Comme ils se trompent ! Oui, demain je pars !
6 octobre
Dire un dernier discourt, recevoir un dernier visiteur, le saluer sur le perron, présider encore un conseil sans dévoiler quoi que ce soit de mon projet, surtout pas à S. qui rêve de me succéder. Dire au revoir à ma femme, qui comme les autres, se passera très bien de moi… Dans quelques heures je pars…
7 octobre
Voilà c’est fait… Je suis sorti au petit jour par une porte de service, personne ne m’a vu, même les gendarmes censés me garder n’ont pas bronché. J’ai dit à mon chauffeur : « non aujourd’hui vous êtes de congé, je prends le volant. » J’ai lu la surprise dans ses yeux, mais il n’a pas osé me contredire. Dix ans que je n’ai pas conduit un véhicule, j’étais comme un enfant à qui l’on faisait tout, même manger on me servait dans un plateau d’argent, je ne saurai plus me faire cuire un œuf. Je dois tout réapprendre pour retrouver mon autonomie réapprendre à vivre. Me voilà sur l’autoroute mais que se passent-il………. ?
Communiquer de l’AFP : Une nouvelle tragique vient de tomber. Ce matin à l’aube, la famille Binochon qui rentrait de vacances a heurté la voiture du président de la république qui roulait à contre sens sur l’autoroute. Aucun survivant. Le président qui se trouvait seul dans son véhicule n’a pas survécu non plus.