Destination : 47 , Du caractère de l'abstrait.
c'est moi
C’est moi
Josée, c’est moi. Mon prénom me ressemble, il me va comme un gant. Comme un gant il a cinq doigts, les cinq lettres où je lis mon empreinte vitale.
Cinq. Commencement du désordre, essor vers la liberté. Le cinq échappe à l’ennuyeuse perfection du quatre, cette quadrature du cercle enfermant l’univers mouvant des possibles dans le carcan du carré. Mortifère, le quatre. Figé comme le marbre. Immobile comme une table de la loi. Quoi de plus bête, une table ? Une planche, quatre pieds. Prés carrés des attablés, des accablés respectables, des rassis, des rassasiés. Regardez-les, carrés sur leurs quatre pieds, leurs certitudes, leurs préjugés, quadras bornés, cadres bernés ! A chacun sa carrée, pas d’écart, s’il vous plaît ! Ecartez donc ce « e » que l’on ne saurait voir !
Car le e sort du cadre, il s’échappe, il s’émancipe, ce « e » que l’on dit muet, qui ne compte pas, qui ne rime à rien. A rien ? Pas même une rime féminine ? Muet, le e ? Ecoutez-le dans les dictées d’antan, longuement psalmodié par l’antique institutrice. Ecoutez-le, suave, modulé par la bergère d’opérette aux trilles de rossignol ! José-e. Par ce « e » décliné je décline mon identité. Le « e » c’est l’âme qui expire dans un spasme de plaisir, le « e » c’est la femme. Sans elle, sans ses ailes, il n’y aurait que José, stupide picador qui rodomontade, monté sur sa virilité, oubliant, quelle ironie, qu’il n’est qu’un avatar tauro-macho-ibérique du chaste Joseph, le cocu de service, condamné à l’immaculée paternité.
A l’autre extrémité, J. Je, qui agit, qui ose, se pose droit comme un i, bras écartés, en balancier. Je balance ? Non, j’ose, me pose en équilibre, je toujours nouveau, funambule virtuose en prise, en prose, en poésie, en prise avec la vie, jeux d’O. Si je tombe, ci-gît le J, ci-gît la rose, coule l’eau. Sous le pont Mirabeau coule ma peine, ce fut si beau ! L’envol d’une aile sur un tombeau…
O, voyelle, voix d’elle dévoilée. Oh la dévoyée ! Voyez sous l’eau qui dort le S qui s’éveille de sa si longue attente, serpente déployé, invente sa destinée. Voyez sous l’O qui dort le S qui vous tente, vous tend la pomme d’or. Sous ma prose dilettante voyez le rêve de la rose ouverte aux quatre vents. J’ai rêvé si souvent !
Et le é ? Eh ! Tout étonné, il pointe le nez hors de son cache-nez capitonné : Quoi ! Josée ? Elle a osé ?
J’ai osé.