Destination : 56 , PCT (portrait chinois thématique)
si j'étais
Si j’étais
Si j’étais le rêve, je m’écrirais en lettres vibrantes, en incantations lentes je déroulerais mes volutes brûlantes. Je chanterais ardentes les prières d’Orphée et je triompherais de l’Achéron muet. Sur la page blanche je prendrais corps et chair, je sèmerais des fleurs de joie. De mes parfums subtils j’embaumerais vos armoires, vos mémoires, vos souvenirs, vos avenirs. Si j’étais le rêve je vous enchanterais.
Si j’étais la beauté je t’irradierais, ma semblable, ma sœur, qui rêves incarcérée dans ta gangue de chair, qui rêves de transparence. Sous tes lourds oripeaux tu étouffes, gluance. Du non-être à la laideur de vie, toutes nuances du lavis. Lave-toi de la désespérance. Rends-toi à l’évidence. Vois, ton âme resplendit. Si j’étais la beauté je te dévêtirais.
Si j’étais la passion je te possèderais, mon semblable, mon frère, qui te morfonds d’ennui et rêves chaque nuit de flamboyantes comètes roulant infiniment aux cieux bouleversés. Je t’embraserais de mon propre brasier. D’un seul autodafé nous mêlerions nos essences, l’acacia et le jasmin, le cade et l’olivier, enlacés, crépiteraient d’extatique brûlure. Si j’étais la passion tu me possèderais.
Si j’étais la révolte j’incendierais le ciel de mes torches séditieuses. Je mettrais à bas les idoles muettes. Je foulerais de mes pas lumineux les noires illusions des foules fatalistes et les dieux renversés flamberaient sur mes bûchers. Si j’étais la révolte j’incendierais les cieux.
Si j’étais la mort je me suiciderais. Je vous délivrerais de moi.
Si j’étais la souffrance je me crucifierais pour me sentir vivante.
Et si j’étais la joie, je me donnerais.