Destination : 74 , Comme un roman
la passeuse
la passeuse
Dans les flots noirs de la mémoire il est des gués, parfois. Je m’en veux la passeuse. Que mon regard noyé de nuit décèle les aubes lumineuses, que ma plume au hasard de mes phrases découvre les passages qui relient les rives du passé et du présent, de l’être et de l’avoir été. Ami lecteur, suis-moi, en ce voyage : tu m’y trouveras, et tu t’y trouveras aussi, peut-être.
Prière de la passeuse pour passer le gué
Je fus porteuse d’eau pour les cœurs insatiables
Séchés de solitude
Versant d’une main secourable
Sur la vive brûlure
L’apaisement
D’un coeur aimant
Je fus porteuse d’âmes au Gué des Espérants
Mes yeux noyés de nuit voyaient pour mes passants
La rive lumineuse et le bonheur fuyant
Allumant des étoiles au bord de mon néant
Je suis porteuse nue, aveugle, calcinée
Tant d’âmes assoiffées, tant d’âpres désespoirs !
Je n’ai que mon coeur nu, mes yeux noyés de noir
Et mon âme brûlée. Nulle autre destinée.
O mes étoiles vives, brillez pour moi ce soir !
Car la mort est profonde, mes yeux noyés de noir.
Sur le gouffre béant nul soleil illusoire
Et l’éclipse est totale… Vide, soleil noir.
Mon voyage vers les rives inconnues, les rives noires de la mémoire, commence l’été de mes quatorze ans, un été de feu : il brûle encore en moi.