Destination : 118 , Destination pressée
C'est sa maison
Ça se passe dans une caravane. Mais pas en été. En novembre, plutôt, mais ce n’est pas vraiment important.
Enfin, ce qui n’est pas important c’est d’être sûr que c’est en novembre. Parce que le reste, si c’est important, très important même !
Donc ça se passe dans une caravane et ce n’est pas au Camping des 2 rivières où on va souvent en vacances ou à celui de la mouette qui parle où on était l’été dernier. Non, c’est au camping municipal, ici au cœur de la région lyonnaise. Même qu’ils disent à la télé qu’on est dans une région économiquement bien portante, je ne sais pas trop ce que ça veut dire mais maman, elle m’a expliqué que ça voulait dire qu’on vivait dans une région où les gens n’étaient pas malheureux, que tout le monde avait un emploi et un salaire correct. Je ne lui ai rien dit à maman parce que je ne voulais pas lui faire de la peine ou qu’elle s’inquiète. Elle est très sensible ma maman et parfois elle pleure en regardant le journal à la télé…
Mais, bon là c’est super important parce que ça se passe dans une caravane au camping municipal tout près de Lyon. Ma copine Léa, son frère Brice, sa petite sœur Maëlle et leurs parents, ils y vivent dans cette caravane depuis la rentrée. Léa, elle dit que c’est super, qu’elle est en vacances toute l’année, qu’elle a plein d’espace et les jeux du camping rien que pour elle. Oui, mais moi je sais bien qu’il fait froid dans sa caravane et que ce n’est pas très marrant de dormir avec des grosses chaussettes toutes les nuits, sur un petit matelas même pas épais. Et puis j’ai bien compris que c’était pour ça qu’elle avait des notes en chute libre comme ils disent les profs ! C’est vrai, c’est pas toujours facile d’étudier dans une caravane et de faire ses devoirs assise en tailleur sur son lit pendant que sa maman prépare le repas sur une petite plaque chauffante. Bon d’accord, elle est confortable leur caravane et son père l’a bien aménagée, il a fait beaucoup d’efforts mais quand même c’est pas confort, confort. Et puis maintenant qu’il fait froid dehors, il fait froid aussi dedans et ils sont obligés d’être tout le temps ensemble !
En plus, Léa elle ne veut pas que j’en parle à notre professeur principal, pourtant je suis déléguée de classe mais elle dit qu’ils doivent se débrouiller tous seuls. Elle dit que l’assistante sociale est déjà au courant et que ça suffit bien parce qu’elle n’a rien pu faire pour eux et qu’en plus on pourrait les séparer de leurs parents. Pourtant, son père je le connais à Léa, c’est le chauffeur du bus qui m’amène au collège. Sa mère, aussi travaille, elle est employée au bureau de poste de mon quartier mais elle n’est pas titulaire ; c’est Léa qui me l’a dit et à cause de ça, elle est moins bien payée et on ne veut pas lui louer d’appartement. Alors pour Léa, Brice et Maëlle c’est dans une caravane que ça se passe les devoirs, les jeux et les fous rires. Les engueulades des parents, c’est dans une caravane aussi que ça se passe et quand elle a un chagrin Léa et ben c’est dans les WC du camping qu’elle va pleurer…Du coup moi j’en ai eu marre de rien faire et j’ai tout raconté à ma mère ! Maintenant Léa, elle rentre avec moi deux soirs par semaine et elle fait ses devoirs à la maison avec moi à la table de la cuisine. Après c’est maman qui la raccompagne. L’autre soir j’ai compté les caravanes et j’ai vu qu’il y en avait deux nouvelles, Léa dit qu’elle en voit souvent des nouvelles, qu’en 6 mois, elle en a vu une dizaine arriver et aucune partir.