Destination : 114 , Totalement cousu de fil blanc


"Blanc absolu. Blanc par-dessus toute blancheur. Blanc de l'avènement du blanc. Blanc sans compromis, par exclusion, par totale éradication du non-blanc. Blanc fou, exaspéré, criant de blancheur. Fanatique, furieux, cribleur de rétine. Blanc électrique atroce, implacable assassin." (Henri Michaux «Avec la mescaline»)

La toute première destination d'Ailleurs vous proposait de nous en faire voir de toutes les couleurs.

Pour la 114, nous allons nous contenter d'une seule : le BLANC.

Les catalogues de vente par correspondance vous le prouveront d'ailleurs : la saison du blanc, c'est imminent !

Le blanc peut se manifester de différentes manières, revêtir des significations extrêmement variées, et permettre d'explorer des thématiques très diverses.

Nous vous proposons donc de décliner le blanc (ou la blancheur) sous toutes ses formes : couleur, image, idée, expression utilisant ce mot, et surtout, pour toutes les associations symboliques qu'il autorise.

« Du corps blanc, de la couleur de la neige ou du lis à l'éclat de l'arme blanche, du diamant et du cristal... le blanc hésite entre absence ou somme de toutes les couleurs, éclat ou pâleur, opacité et transparence. Il se révèle tour à tour absolu, idéal, lumière et matière, hygiène du corps et pureté de l'âme, neutralité, paix, mais aussi vide et silence, néant, espace libre de tous les possibles, ouverture sur l'infini, quête spirituelle, degré zéro de toute chose.

Le blanc sonne alors comme un silence, un rien avant tout commencement. »

Au départ de cette destination, le Carré Blanc sur fond blanc (1917), célèbre monochrome de Malevitch, « peinture de la sensation pure » - en réalité bi-chrome, puisqu'il a avoué avoir utilisé deux blancs d'origines différentes : marque française pour le carré, et russe pour le fond. Mais aussi les « Détails » de Roman Opalka.

Egalement, un des liens qui nous réunit ici : écrire, c'est déjà, comme le disait Mallarmé, « mettre du noir sur du blanc ».

Il existe de nombreux livres dans lesquels le blanc tient une place certaine. Mais on peut également trouver des exemples d'auteurs qui ont fait du blanc la thématique centrale de leur roman, déclinant différents aspects de la blancheur. Un exemple particulièrement monochrome nous est donné par Maxence Fermine, dans Neige (voir le lien ci-dessous).

Donc, allez-y, vautrez-vous dans la blancheur comme dans la poudreuse, éclaboussez-nous de blanc. et ne rendez pas copie blanche ! ?

Christine

Quelques liens pour vous aider dans le sujet :

? Une exploration du blanc.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Blanc

? Quelques citations :

- « J'ai déchiré l'abat-jour bleu des limites des couleurs, et ai resurgi dans le blanc. J'ai conquis la garniture du Céleste, l'ai déchirée, en ai fait un sac dans lequel j'ai mis les couleurs et je l'ai fermé avec un noud. Vogue la galère! Le blanc, gouffre libre, infini, est devant nous. » (Malevitch)

- « Que devient la blancheur quand la neige a fondu ? » (Shakespeare)

- « Ce qui est blanc, n'est-ce pas ce qui nous débarrasse de l'obscurité ? » (Wittgenstein)

- « Il pose une feuille blanche sur la table devant lui et trace ces mots avec son stylo.
Le ciel est bleu, noir, gris, jaune. Le ciel n'est pas là, et il est rouge. Tout ceci s'est passé hier. Tout ceci s'est passé voici cent ans. Le ciel est blanc. Il a un parfum de terre, et il n'est pas là. Il est blanc comme la terre, et il a l'odeur d'hier. Tout ceci s'est passé demain. Tout ceci s'est passé dans cent ans. Le ciel est citron, rose, lavande. Le ciel est la terre. Le ciel est blanc, et il n'est pas là.
Il s'éveille. Il va et vient entre la table et la fenêtre. Il s'assied. Il se lève. Il va et vient entre le lit et la chaise. Il se couche. Il fixe le plafond. Il ferme les yeux. Il ouvre les yeux. Il va et vient entre la table et la fenêtre.
Il prend une nouvelle feuille de papier, la pose sur la table devant lui, et trace ces mots avec son stylo. Cela fut. Ce ne sera jamais plus. Se souvenir. (Paul Auster, Le livre de la mémoire)

? Une foule d'expressions utilisent le blanc : en voilà quelques unes qui peuvent peut-être vous servir de point de départ :

Livre blanc ; saison du blanc ; page blanche ; écriture blanche ; bonnet blanc et blanc bonnet ; connu comme le loup blanc ; donner carte blanche ; chauffer à blanc ; saigner à blanc ; examen blanc ; mariage blanc; vote blanc; nuit blanche; colère blanche ; voix blanche ; tirer à blanc ; faire chou blanc ; marquer d'un caillou blanc, d'une pierre blanche ; un blanc dans la conversation.

? Quelques références plastiques ou littéraires :

- http://virginieluc.blog.lemonde.fr/2005/01/28/2005_01_la_mort_est_bla/

Article sur Roman Opalka, intitulé « la mort est blanche ».

Depuis 1965, il peint des lignes de nombres sur une toile. Ses nombres sont en blanc sur fond noir, il commence par peindre du coin supérieur gauche jusqu'au coin inférieur droit. Partant de 1 en 1965, il a atteint en 1972 le nombre 1 000 000.À partir de cette date, il décide d'éclaircir d'ajouter 1% de blanc au fond de chaque toile qu'il appelle « Détail ». Chaque détail s'éclaircit donc progressivement, jusqu'à ce que chaque Détail soit de nos jours presque blanc. Chaque « Détail » est une toile de 196 x 135 cm, les chiffres sont réalisés avec un pinceau n°0. Lors de la réalisation de chaque Détail, il énumère la suite de nombres qu'il peint. Cette énumération est enregistrée à l'aide d'un magnétophone. Aussi, pour bien marquer le temps qui passe, lorsqu'il termine une séance de travail, il prend une photographie de lui-même dans des conditions invariablement identiques d'une photo à l'autre : fond blanc (en fait le « Détail » en cours), avec une chemise blanche, baignant dans un éclairage blanc, avec toujours la même expression sur le visage. À ce jour, Opalka en est à son 227e « Détail », le 22 juillet 2004, il était arrivé au nombre 5 486 028. Il peint environ 380 nombres par jour.

« Mais un jour le blanc du fond se confondra au blanc des chiffres peints. Le blanc sur blanc : l'ultime étape du « monochrome », de l'invisibilité et de l'effacement ; « l'image du vieillard continuant à vivre une vie déjà achevée » ; la blancheur absolue de la mort symbolique. Dès sa naissance, donc, le projet contient sa fin alors que chaque tableau n'est qu'un Détail de l'infini du temps. »

- http://poesie.webnet.fr/poemes/France/gautier/29.html : un poème : Symphonie en blanc majeur (Théophile Gautier)

- Dans les Revenants, Paul Auster a un personnage qui s'appelle Blanc : il est le commanditaire de l'enquête de Bleu sur la vie privée de Noir.

http://www.ratsdebiblio.net/austerpaulrevenants.html

- Dans Neige, Maxence Fermine, le personnage central, Yukio Akita, est gouverné par deux passions, l'écriture de haïkus et la blancheur de la neige dans laquelle il trouve l'inspiration nécessaire à la composition de ses poèmes. Chaque jour, il se rend très tôt sur la montagne. Là, il écrira sept fois soixante-dix-sept haïkus célébrant la blancheur de la neige.

http://lebibliomane.blogspot.com/2008/03/haku-blanc.html

- Dans La dame blanche, Christian Bobin dresse le portrait d'un « ange blanc ». Blanche et silencieuse Emily. Il y a ce blanc, tout ce blanc. Autour d'elle et sur elle, en elle. Blancheur des lys qu'elle offre à ses visiteurs. Offrande assortie d'un poème nimbé de lumière. Blancheur de son teint, jusqu'à ce que Otis Philipps Lord lui mette du rouge aux joues.. Blancheur de la « clôture de lin blanc » dans lequel elle s'est enfermée. Blancheur de « sa robe de neige », « ultime armure blanche » dont Susan revêt le corps de la défunte. Un jour de printemps 1886.

http://www.wikio.fr/article/47368847

Christine

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