Destination : 168 , m
Cette destination sera minimaliste.
Qu'est-ce que c'est que le minimalisme ? Eh bien, c'est clair : avec le
moins de moyens possibles en faire le plus. Bien que cela paraisse être
un peu dans l'air du temps, c'est quelque chose qui remonte loin en
arrière. Il y a toujours eu des sages ou des philosophes prônant
l'abandon des biens matériels, la recherche du minimum vital pour se
tourner vers l'essentiel. C'est vieux comme le monde. Aujourd'hui, cela
prend tout son sens avec les excès de notre vie moderne. Certains
seraient tentés de se débarrasser de toutes les prothèses technologiques
qui nous appareillent pour moins consommer, moins polluer, mieux manger,
mieux vivre...
Du côté de l'économie, minimalisme rimerait avec décroissance.
Au rayon artistique le minimalisme s'est surtout illustré en peinture
avec un courant né dans les années 60 aux Etats Unis : l'art minimal. Là
aussi il s'agissait avec le moins de moyens possibles de créer. Le
minimalisme ne cherchait pas à représenter ni même à exprimer quoi que
ce soit : « il n'y a rien d'autre à voir que ce qui est peint ». L'art
minimal mériterait bien plus (« less is more ») aussi laisserais-je à
ceux qui le souhaitent la possibilité de se documenter plus en profondeur.
Le minimalisme s'est illustré aussi en sculpture, en architecture, en
design, en musique, en cuisine... aujourd'hui il y a même des sportifs
qui se revendiquent du minimalisme et s'essaient à courir pieds presque
nus.
Y-a-t-il un vrai courant minimaliste en littérature* ? Peut-être que le
livre est forcément abondance de mots ? On notera tout de même que
certains font figurer le minimalisme littéraire dans la littérature
postmoderne. Dans wikipédia on peut trouver la définition suivante :
« Le minimalisme littéraire peut être caractérisé comme un accent sur
une description de surface où les lecteurs sont invités à prendre un
rôle actif dans la création d'une histoire. Les personnages de romans et
récits minimalistes ont tendance à être ordinaires. En règle générale,
les nouvelles de ce genre sont des « tranches de vie ». Le minimalisme,
à l'opposé du maximalisme, n'est qu'une représentation des éléments les
plus basiques et nécessaires, caractérisée par une économie de mots. Les
auteurs minimalistes hésitent à utiliser des adjectifs, adverbes, ou
détails vides de sens. Au lieu de fournir tous les moindres détails,
l'auteur fournit un cadre général et permet à l'imagination du lecteur à
façonner l'histoire. Parmi les personnes classées comme postmodernistes,
le minimalisme littéraire est le plus fréquemment associé à Samuel
Beckett. » Du côté de chez nous, je viens de trouver qu'un groupe
d'écrivain se réclame du minimalisme : on y retrouve Jean Echenoz,
Patrick Deville ou encore Eric Chevillard...
Dans tous les cas nous allons ici tenter l'expérience.
Comment faire du minimalisme littéraire ? Plusieurs voies me paraissent
intéressantes à explorer.
Une première, écrire une histoire avec le moins de mots possible. On dit
que la première histoire la plus courte créée le fut par Hemingway « A
vendre : Chaussures de bébé, jamais portées. » 6 mots dans la langue de
Shakespeare.
Une autre approche peut être de réduire toute accentuation et toute
ponctuation. Ou alors de n'utiliser que quelques mots, quitte à les
répéter souvent. Les tautogrammes, visant à l'utilisation quasi
exclusive d'un son répété abondamment peuvent aussi être une piste.
Toutes les pistes proposées plus haut peuvent être considérées comme des
économies de forme (forme minimale). La liste n'est pas exhaustive.
Dans une autre approche on peut s'essayer à une économie de fond : un
seul personnage dans une pièce nue ? Ou encore une seule pensée étirée.
Ou bien deux personnes qui s'expriment sobrement dans un dialogue
lapidaire... A vous encore de creuser dans cette voie.
Rassurez-vous, économie de moyens ne signifiera pas ennui, en
travaillant un peu vous verrez apparaitre toute la pureté du diamant
composé seulement de carbone comme son cousin le charbon qui en ce
moment abreuve nos centrales pour assouvir nos besoins énergétiques.
La boucle est bouclée.
JFP
Une théorie intéressante sur l'art de la micro-nouvelle :
http://twittonouvelles.blogs.sudouest.fr/tag/litt%C3%A9rature%20d%27avant-garde
Personnellement je refuse que l'on parle de littérature en ce qui
concerne les « twits » ou autres sms de forum ; vue la totale
spontanéité des textes produits.
* Dans un article écrit paru dans Liberté, « L'art du dépouillement
(l'écriture minimaliste) », Alain Roy, décrit les choses ainsi : « On
reconnaît habituellement l'écriture minimaliste
aux traits suivants : « égalité de surface », « sujets pris à la vie de
tous les jours », « narrateurs peu enclins à se commettre », « refus du
commentaire, de l'investissement, de la complicité ». Le style
minimaliste est fait d'un vocabulaire simple, de phrases courtes, d'une
syntaxe peu compliquée. Le langage figuratif ou métaphorique y est
presque absent. Les scènes sont juxtaposées sans transition. La
narration, qui s'en tient à ce qui est perceptible par les sens,
pourrait être qualifiée de phénoménologique. Les actions, la mise en
scène, les descriptions sont réduites au minimum. Il y a peu ou pas
d'analyse psychologique.
http://www.erudit.org/culture/liberte1026896/liberte1035712/31505ac.html?vue=resume
Oui, j'ai écrit plus que prévu et cette destination dans son énoncé ne
sera pas minimaliste !