Destination : 229 , Dans les forêts d'Ailleurs


L’inspiration de cette destination m’est venue en découvrant la présentation du film « Dans les forêts de Sibérie ». J’ai été charmé par cette histoire et les images de la bande annonce. Ce film vient de sortir mais je ne l’ai pas encore vu. C’est tout simplement l’histoire d’un homme, exilé volontaire pendant 6 mois au bord du lac Baïkal. J’aime le côté « je quitte le monde des hommes pour me retrouver, dans la nature ». C’est notre paradoxe : notre volonté d’être singulier, de nous retrouver seul — face à celle de vivre en société — ce pour quoi nous sommes également faits. C’est aussi pour cela que ce genre d’histoire ou d’expérience ne sont généralement que des moments passagers dans des vies d’hommes ou de femmes, qui ensuite, plein d’usages et de raison, rentrent chez eux vivre le reste de leur âge*. Cerise sur le gâteau, ce film est l’adaptation d’un livre de Sylvain Tesson, qui porte le même titre.
Ce livre a reçu le prix Médicis essai en 2011, a connu un assez important succès et je regrette de ne pas l’avoir encore lu. Il raconte la vie d’un homme face à lui-même, amoureux de sa solitude choisie et de ce que la vie lui offre au quotidien, sous forme de liberté et de nature. Il raconte aussi ce qui passe à l’intérieur de lui, ses lectures et ses pensées, sa philosophie qui nait de ses jours passant ainsi dans la simplicité et l’ascétisme.
Tentation est grande de vous proposer à partir de là une nouvelle destination « zen » où vous pourrez librement gambader de méditation en contemplation, de béatitude en considérations philosophiques. Ne vous en privez pas.
De nouvelles routes s’offrent aussi à vous, je vous en propose ici plusieurs.
- La première est d’aller regarder le documentaire « 6 mois de cabane au Baïkal » diffusé sur France 5 et qui retrace cette expérience vécue par Sylvain Tesson. Réalisé par Sylvain Tesson et Florence Tran. A partir de ces images, livrez-nous un texte qui pourra être poétique, qui pourra aussi s’inspirer de ce que vit le « héros », pour vous mettre à sa place, pour écrire un de ses moments de vie, etc… https://www.youtube.com/watch?v=9-CxXrRieCM
- La seconde est d’aller voir le film qui sort ces jours-ci et d’en tirer un texte qui pourra aller du commentaire critique à la lettre à l’auteur en passant par des prolongements, la mise en parallèle de votre vie…
- Une autre voie sera celle de nous conter votre rêve « Robin Crusoë », ce vieux rêve qui siège au coin de l’esprit de chacun, de se retrouver sur « son île déserte ». Bien sûr, cela peut être la cabane d’enfant dans laquelle on s’isole ou la petite caravane de vacances perdue sur une dune de Vendée.
- Le dernier chemin que je vous propose sera de lire un peu plus bas toutes les citations que j’ai glanées sur le roman de Sylvain Tesson et de vous inspirer de l’une d’elles pour écrire votre texte. J’aime particulièrement : « Penser qu'il faudrait le prendre en photo est le meilleur moyen de tuer l'intensité d'un moment. »
- Enfin vous pouvez aussi défricher de nouvelles routes : écrire un texte sur la vie au bord du lac Baikal, la vie dans des conditions extrêmes ou que sais-je encore ?

Les citations :
Je pousse la porte de la cabane. En Russie, le formica triomphe. 70 ans de matérialisme historique ont anéanti tout sens esthétique chez le russe. D'où vient le mauvais goût ? Pourquoi y a-t-il du lino plutôt que rien ?
Rien ne vaut la solitude. Pour être parfaitement heureux il me manque quelqu'un a qui l'expliquer.
Quand on se méfie de la pauvreté de sa vie intérieure, il faut emporter de bons livres : on pourra toujours remplir son propre vide.
J'ai été libre car sans l'autre, la liberté ne connaît plus de limites.
J'archive les heures qui passent. Tenir un journal féconde l'existence. Le rendez-vous quotidien devant la page blanche du journal contraint à prêter meilleure attention aux événements de la journée.
Penser qu'il faudrait le prendre en photo est le meilleur moyen de tuer l'intensité d'un moment.
Comment peut-on préférer mettre les oiseaux dans la mire d'un fusil plutôt que dans le verre d'une jumelle ?
On dispose de tout ce qu'il faut lorsque l'on organise sa vie autour de l'idée de ne rien posséder.
Je vis ici au royaume de la prévisibilité. Chaque jour s'écoule, miroir de la veille, esquisse du lendemain. Les variations des heures jouent sur la coloration du ciel, les allées et venues des oiseaux et mille nuances à peine perceptibles.
Aimer un Papou, un enfant ou son voisin, rien que de très facile. Mais une éponge ! Un lichen ! Une de ces petites plantes que le vent malmène ! Voilà l'ardu : éprouver une infinie tendresse pour la fourmi qui restaure sa cité.
Aimer c'est reconnaître la valeur de ce qu'on ne pourra jamais connaître. Et non pas célébrer son propre reflet dans le visage d'un semblable.
Le solitaire des forêts a deux amours, le temps et l'espace. Le premier il l'emplit à sa guise, le deuxième, il le connait comme personne.
Ah! Le génie chinois! Avoir inventé le principe du non-agir pour justifier de rester toute la journée à se dorer au soleil du Yunnan sur le seuil d'une cabane...
Le luxe n'est pas un état mais le passage d'une ligne, le seuil où, soudain, disparaît toute souffrance.
L'homme est un enfant capricieux qui croit que la Terre est sa chambre, les bêtes ses jouets, les arbres ses hochets.
Il est bon de n'avoir pas à alimenter une conversation. D'où vient la difficulté de la vie en société? De cet impératif de trouver toujours quelque chose à dire.
L'homme libre possède le temps. L'homme qui maîtrise l'espace est simplement puissant. En ville, les minutes, les heures, les années nous échappent. Elles coulent de la plaie du temps blessé.
Le froid, le silence et la solitude sont des états qui se négocieront demain plus chers que l'or. Sur une terre surpeuplée, surchauffée, bruyante.
Et si c'était par désespoir que les cascades se précipitaient du haut des montagnes?
Qu'est-ce que la société? Le nom donné à un faisceau de courants extérieurs qui pèsent sur le gouvernail de notre barque pour nous empêcher de la mener où bon nous semble.
Le reflet est l'echo de l'image, l'écho est l'image du son.
La vie consiste à tenir le coup entre la mort des êtres chers.
J'archive des heures qui passent. Tenir un journal féconde l'existence.
Le bonheur est une entrave à la sérénité. Heureux, j'avais peur de ne plus l'être.
La retraite est révolte. Gagner sa cabane, c'est disparaître des écrans de contrôle.
Je me suis inventé une vie sobre et belle, j'ai vécu une existence resserrée autour de gestes simples. J'ai connu l'hiver et le printemps, le bonheur, le désespoir et, finalement, la paix.
La société de consommation est une expression légèrement infâme, née du fantasme de grands enfants déçus d'avoir été trop gâtés. Ils n'ont pas la force de se réformer et rêveraient qu'on les contraigne à la sobriété.
Devenir un manque à gagner devrait constituer l'objectif des révolutionnaires. Un repas de poisson grillé et de myrtilles cueillies dans la forêt est plus anti-étatique qu'une manifestation hérissée de drapeaux noirs.
La cabane est une cellule de grisement.

Faut-il tuer Dieu mais se soumettre aux législateurs, ou bien vivre libre dans les bois en continuant à craindre les esprits? L'autonomie pratique et matérielle ne semble pas une conquête moins noble que l'autonomie spirituelle et intellectuelle.
Le cigare et la vodka, compagnons idéaux de ces moments de repli. Aux pauvres gens solitaires, il ne reste que cela. Et les ligues hygiénistes voudraient interdire ces bienfaits! Pour nous faire parvenir à la mort en bonne santé?
Un amateur de havane prend plaisir à s'enrober de fumée. Les bouffées, offrandes d'un sacrifice inoffensif, relient l'homme aux dieux.
Rien ne vaut la solitude. Pour être parfaitement heureux, il me manque quelqu'un à qui l'expliquer.
Lorsqu'on quitte un lieu de bivouac, prendre soin de laisser deux choses. Premièrement: rien. Deuxièmement: ses remerciements.
La désillusion est l'hommage que la lucidité rend à l'imagination.
Je me suis installé sur une île. A présent, j'attends qu'elle s'en aille.
Mariage: se mettre à deux pour éteindre l'incendie de l'amour.
Insomnie: tapage nocturne des pensées.
Un vagabond est un homme à flammes.
Trop de facilité recouvre l'âme de suie.
Un extrait :
« Assez tôt, j'ai compris que je n'allais pas pouvoir faire grand-chose pour changer le monde. Je me suis alors promis de m'installer quelque temps, seul, dans une cabane. Dans les forêts de Sibérie.
J'ai acquis une isba de bois, loin de tout, sur les bords du lac Baïkal.
Là, pendant six mois, à cinq jours de marche du premier village, perdu dans une nature démesurée, j'ai tâché d'être heureux. Je crois y être parvenu. Deux chiens, un poêle à bois, une fenêtre ouverte sur un lac suffisent à la vie. Et si la liberté consistait à posséder le temps ? Et si le bonheur revenait à disposer de solitude, d'espace et de silence - toutes choses dont manqueront les générations futures ? Tant qu'il y aura des cabanes au fond des bois, rien ne sera tout à fait perdu. »
https://fr.wikipedia.org/wiki/Dans_les_for%C3%AAts_de_Sib%C3%A9rie résumé succinct du roman.
* Du Bellay « Heureux qui comme Ulysse ».
Bonne route ou bonne encabanement ?

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