Destination : 302 , Mets ta fiction !


Ouille ouille ouille ! Vous dire combien cette destination fut dure à éclore ! Comme à chaque fois que mon cerveau se met un peu en villégiature, il gamberge d’idées prometteuses mais qui finissent en pétard mouillé.

Sachant que vous avez beaucoup apprécié travailler à partir d’Ursula Le Guin, je me suis dit qu’il fallait que j’aille chercher dans une autre mine de précieux cailloux à tailler en joyaux. Ainsi, j’ai emporté dans mes bagages un David Lodge qui s’ennuyait dans un recoin de ma bibliothèque. Je venais d’ailleurs de terminer le deuxième opus de ses mémoires (un peu barbantes sauf pour les passionnés de linguistique dont je suis).

Ce précieux livre, « l’art de la fiction » est un recueil traduit de l’anglais d’une série d’articles parus au début des années 90 dans l’« Independant on Sunday », rubrique littéraire.
David Lodge a une triple particularité : linguiste universitaire spécialisé dans le roman anglais (en gros), il a mené parallèlement une brillante carrière d’écrivain (ce qu’il raconte en détail dans son autobiographie) et, pour une raison que j’ignore, a connu une franc succès dans notre pays, bien au-delà de ce qu’il a pu connaître dans sa propre patrie (l’Angleterre).

Sa série d’articles sur l’art de la fiction vise à en cerner des aspects, donner des éclairages sur des techniques, ressors, procédés stylistiques utilisés par les plus grands romanciers, en général du monde anglophone. Sa manière d’aborder la fiction est à la fois universitaire sans trop être théorique mais aussi pratique et illustrée de nombreux passages d’auteurs. Notez que ces passages sont proposés en version originale anglaise puis en version traduite, ce qui peut ravir les amoureux de la langue de Shakespeare.

Sachant que David Lodge a contribué notamment dans son pays au développement des ateliers d’écriture, je me disais que je trouverai dans son ouvrage matière pour nous. Mais quelle ne fut pas ma surprise de constater que c’était loin d’être exploitable facilement ou que, diantre, pas mal de ses articles évoquaient des aspects déjà traités ici. Je ne vous égarerai pas plus en vous racontant les plans bis qui ont germé en moi pour produire une autre destination. En me forçant un peu, j’ai trouvé un chapitre de l’art de la fiction adéquat : « métafiction ».

Le concept est assez simple et le préfixe « méta » a déjà du vous mettre sur le bon chemin : il s’agit de raconter une histoire sur une histoire, une fiction sur la fiction, comment une histoire naît. (Un peu comme je le fais ici).

David Lodge écrit : [ce sont] des romans et des nouvelles qui attirent l’attention sur leur statut de fiction et sur leur procédé de composition. […] la métafiction n’est pas une invention moderne.[...] Borges, Italo Calvino, John Barth viennent à l’esprit…

L’extrait choisi par Lodge n’est pas limpide de ce procédé, il s’agit d’un fragment de « Perdu dans le labyrinthe » de l’auteur américain John Barth. Je ne le reproduis pas ici, car il m’a plus interloqué et égaré qu’éclairé.

Qu’est-ce qui vous est proposé au cours de cet atelier ?
De prendre un peu de recul, c’est à dire de ne pas vous centrer sur l’histoire que vous nous racontez, mais sur la manière dont elle éclot. Je m’explique : imaginons que vous souhaitiez raconter une petite fiction sur la rencontre entre une petite fille et un gentil dinosaure. Ce qui nous intéressera c’est de nous raconter comment l’auteur (a priori vous, mais pas nécessairement) fabrique cette histoire, à quel moment l’idée a germé, pourquoi l’histoire s’enlise à un moment (l’auteur doit se rendre à un enterrement qui le bouleverse), etc. Vous pouvez doser le recul que vous prenez : interpellez par exemple le lecteur en lui demandant si il pense que telle fin est bonne pour votre histoire, livrez les doutes qui s’emparent de l’auteur.
De nombreux films (voir lien plus bas) racontent le tournage de films fictifs qui ne sont que le décor de fond de l’histoire qui elle, raconte une autre intrigue.
C’est normal que cette destination vous tourne un peu la tête car elle propose une sorte de mise en abyme qui est toujours déstabilisante. Ne vous préoccupez pas du rendu final, lancez-vous, surtout si vous n’avez pas d’idée, parce que ce n’est pas le sujet ! Oui, c’est le méta qui est plus important que la fiction dans cet atelier !
Habitués que vous êtes de la lecture de mes destinations, vous savez combien j’use et abuse de ce procédé, pour je l’espère vous distraire !

Allez, après le maillot de bain, mets ta fiction !

https://fr.wikipedia.org/wiki/Film_contenant_un_film

https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9tafiction (beaucoup de pistes et exemples à cette adresse)

https://www.fabula.org/actualites/d-lodge-l-art-de-la-fiction-poche_28910.php vous trouverez à cette adresse les références du livre de D. Lodge qui m’a inspiré, ainsi que le titre de chacun des chapitres. Pour ceux qui souhaitent prendre un chemin de traverse, un itinéraire bis, je leur propose de s’inspirer du titre d’un des chapitres, que je reproduis ici :

Le début
Les interventions d'auteur
Le suspense
Le skaz de l'adolescent
Le roman épistolaire
Le point de vue
Le mystère
Les noms
Le courant de conscience
Le monologue intérieur
La représentation insolite
Le sentiment du lieu
Les listes
La présentation d'un nouveau personnage
La surprise
Les changements de perspective temporelle
Le lecteur dans le texte
Le temps qu'il fait
La répétition
Le style imagé
L'intertextualité
Le roman expérimental
Le roman comique
Le réalisme magique
Vu de l'extérieur
Montrer et raconter
Raconter à plusieurs voix
Faire revivre le passé
L'imagination de l'avenir
Le symbolisme
L'allégorie
L'épiphanie
La coïncidence
Le narrateur peu fiable
L'exotique
Les chapitres
Le téléphone
Le surréalisme
L'ironie
La motivation
La durée
Suggérer
Le titre
Les idées
Le roman non fictionnel
La métafiction
L'étrange
La structure narrative
Les apories
La fin

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