Destination : 303 , Une route pour partir Ailleurs


Une route pour partir Ailleurs

Cette destination, singulière comme un peu toute les précédentes, prend racine dans une lecture prescrite. C’est mon fils aîné qui me l’a conseillée. Préparant cette année son bac de français (merci, il a eu de bonnes notes), il m’a dit avoir fait une belle rencontre. Non pas avec la professeure, qui apparemment prodiguait des cours assommant encombrés d’analyses à n’en plus finir, mais avec un livre. Ce livre c’est : « Un barrage contre le Pacifique » de Marguerite Duras.
J’ai été étonné par sa rencontre, car pour moi, ce livre et les extraits que j’en avais lus me semble-t-il (mais c’était il y a si longtemps, ai-je vraiment lu « du Duras »?) me laissaient une impression lourde.
Je me suis donc emparé du livre de mon rejeton pour le découvrir sans a priori. J’avais la collection « lycée », avec tout un tas d’analyses savantes et de prolongements érudits. Premier constat : les jeunes ont une bien meilleure vue que les plus anciens parce qu’il est imprimé en caractères nanoscopiques. Deuxième constat : l’entame du roman est quasi-désastreuse, il y est question d’une histoire confuse de cheval juste acheté, qui ne vaut pas tripette et qui ne manque pas de rendre l’âme quelques pages plus loin. J’ai du mal à suivre les personnages, à comprendre où je suis. Mais je m’accroche, et je fais bien, parce que finalement la magie opère, je me retrouve avec cette famille qui tente de s’en sortir dans une Indochine coloniale hostile pour les « petits blancs » et encore plus pour les autochtones. Régulièrement le roman marque des pauses pour s’ouvrir sur un dossier littéraire proposant analyses et perspectives. Je suis déçu par ces dossiers qui ne me semblent pas aller au cœur de la beauté du travail de Marguerite Duras. Bien sûr ils proposent des éclairages historiques sur la situation coloniale mais on voit bien qu’il sont écrit avec le recul que l’on a aujourd’hui, alors que le livre a été écrit en 1950 et il est fait peu de cas du travail stylistique de l’auteure.
Pour moi, ce roman est une métaphore de la vie, ce que je n’ai lu nulle part dans lesdits dossiers. Je m’explique : nous vivons tous, nous tentons d’être heureux et nous y parvenons parfois, souvent, à la folie, pas du tout, mais nous allons inexorablement vers une fin que nous souhaitons le plus tard possible. Dans « Un barrage contre le Pacifique », la mère de la narratrice a tenté de créer une digue contre le Pacifique qui inexorablement (et même brutalement) a repris ses droits. Tout est inexorable dans ce roman : les terres qui ne seront jamais cultivables, le frère aîné qui finira par partir, la mère qui décline tout au long du roman pour mourir, la narratrice qui ne trouvera pas l’amour, les enfants qui meurent le long de la piste, les chiens qui errent et se font écraser, etc.
L’idée de cette destination n’est pas de vous miner le moral, mais de réfléchir à ces choses que nous faisons peut-être sachant bien qu’elles n’aboutiront pas ou ne changeront pas le monde. Cherchons quelques exemples dans nos vies ou celles de gens que nous connaissons :
- un billet de loto pour une vie meilleure,
- un sourire pour rendre les gens plus aimables,
- ratisser les feuilles mortes à l’automne,
- tondre la pelouse,
- ramasser les mégots sur le trottoir (remarquez qu’il y en a de moins en moins mais pas parce que de bonnes âmes les ramassent).
- se raser (ou s’épiler) régulièrement,
- acheter une nouvelle voiture,
- souscrire une assurance,
etc.

Une rapide réflexion peut nous montrer les choses sous un angle surprenant : nous ouvrons et fermons les volets tous les jours. Je pense que si nous y étions obligés et que nous devions choisir, les gens se partageraient en deux catégories : ceux qui laisseraient tout le temps ouverts les volets (dont je fais partie) et ceux qui les laisseraient toujours fermés.
De la même manière nous nous alimentons tous les jours régulièrement et si nous devions choisir entre manger tout le temps et jeûner, que ferions nous ? Je suis du côté du jeûne.

En cherchant un nom qui corresponde à l’adjectif vain, je n’ai rien trouvé et je trouve cela très drôle et très juste, que cette recherche soit vaine.
Voilà, l’idée est d’écrire sur quelque chose que nous faisons, qu’une personne fait et qui, elle le sait, sera vaine. Bien sûr, elle peut se laisser aller à l’espoir que cela marchera. Cette chose vaine sera soit le nœud, le thème de votre texte, soit anecdotique, soit en toile de fond.

Je vous propose deux expressions imagées en rapport avec cette destination :
- vider la mer avec une petite cuiller,
- bâtir des châteaux en Espagne.

Quelques citations :
« En vain les mouches s’uniront, jamais la jarre elles n’ouvriront. » (proverbe éthiopien)
« Il était vain de penser qu’on pouvait tenir un enfant à l’abri de la vie. » (Barbara Kingsolver )
« Rien n’est plus vain que de mourir pour un amour, c’est vivre qu’il faudrait. » (Albert Camus)
« Rien n'est vrai, rien n'est faux ; tout est songe et mensonge, Illusion du cœur qu'un espoir prolonge. Nos seules vérités, hommes, sont nos douleurs. » (Lamartine)
« Rien de plus futile, de plus faux, de plus vain, de plus nécessaire que le théâtre. » (Louis Jouvet)


J’ai conscience que cette destination n’est pas facile, mais vous savez comme moi, qu’en se confrontant à la difficulté, en creusant, c’est là que l’on fait les plus belles découvertes.

Ecrivains, écrivez, vos écrits ne sont pas vains !

Bises à tous,

JFP

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