Destination : 375 , Saint Bol


Les volets en bois sont entrouverts, laissant filtrer un intense soleil d’été, atténué par la présence proche d’un platane centenaire.

C’est une nouvelle fois le cinéma qui donne le là de cette destination. Dans son dernier film « El buen patrón », le cinéaste espagnol Fernando León de Aranoa nous livre une très intéressante comédie sur le thème de l’entreprise familiale, jouant avec les stéréotypes du genre, dépeignant des personnages forts et complexes. Un bon moment de cinéma, la VO ne se faisant pas ressentir. Le « bon patron » magistralement interprété par Javier Bardem est le chef d’une entreprise familiale de balances (« bascules Blanco ») et c’est cet objet qui inspire la présente destination. Ou plutôt, c’est l’utilisation de cet objet qui en sera le thème.

Ces volets sont aussi vieux que la lourde masure qui les porte, environ deux cents ans. Maintes fois lasurés, ils sont aussi sombres que l’ombre qu’ils procurent une fois refermés.

Les bascules « Blanco » sont le symbole d’un équilibre difficile à trouver : entre professionnalisme et paternalisme, entre vie privée et vie professionnelle, entre douceur et puissance. Par petites touches le réalisateur nous montre les bascules, soit à l’image, soit dans le discours de son patron. Au début du film, la bascule à l’entrée de l’entreprise est parfaitement à l’équilibre, signe d’une harmonie mesurable. Au fil de l’histoire cette harmonie n’est plus, l’équilibre est rompu de multiples manières mais je ne voudrais pas trop vous en dire pour laisser intacte l’envie que vous aurez de découvrir cette comédie.

Le contact de mes mains sur ces volets est sensuel : leur veinage rêche n’est pas repoussant, leur sécheresse exprime une force virile, ils semblent chaque matin ouvrir un œil bienveillant sur ma personne.

Vous l’aurez compris, l’idée de cette destination est de prendre un objet, porteur pour vous de symbolisme(s) (mais quel objet n’en est pas porteur ?), un objet que vous ferez revenir au cours de votre texte, en lui laissant exprimer ce qu’il doit, pour y donner force et style.

Le soir, je suis surpris par la facilité avec laquelle ils se ferment malgré le poids des ans et les déformations, prenant leur place, en position protectrice et défensive dans l’encadrement en lourdes pierres calcaires taillées.

A vous de voir et d’essayer : vous partez d’un objet que vous avez envie d’invoquer (peu importe pourquoi après tout), je pense à des incontournables tels que : une pendule, une armoire, un miroir, un secrétaire, une voiture, un fauteuil, une cheminée, un aquarium… Mais il ne faut exclure des choses plus originales : une poêle, une paire de baskets, un râteau, une ceinture, un trousseau de clefs, un arbre…

Dans la nuit, lorsque je me lève, je me tourne en premier vers eux, pour savoir où en est la nuit, pour me situer dans le noir épais de la maison de campagne, ils me rassurent et referment mes yeux.

L’autre option est de partir de l’histoire que vous voulez raconter et de trouver ensuite quel objet pourrait s’inviter et ponctuer la narration. Je vous invite à réaliser un petit casting fictif dans votre tête, au cours duquel vous donnez leur chance en imagination à tous les objets qui se présentent tour à tour.

Grands ouverts, je ne les vois plus, eux aussi, ils ont droit au spectacle du dehors !

Amusez-vous et bien restez au frais,

JFP

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