Destination : 399 , Impostures volontaires



Cette destination est née de l’écoute d’une interview d’Hervé le Tellier, prix Goncourt 2020, pour « l’Anomalie ». Au cours de cet échange*, l’auteur raconte son rapport à l’écriture, comment est-ce qu’il écrit, ses petits secrets d’écriture. Président de l’Oulipo, il est rompu aux contraintes formelles et autres jeux littéraires. C’est cependant une autre petite technique qui a retenu mon attention pour le présent atelier.
Hervé le Tellier, nous conseille lorsque nous sommes en panne d’écriture, que ce ne soit pas nous qui écrivions. En effet, prisonnier de notre personnalité, bloqué par ce que nous sommes, ce que nous voudrions dire… ne vient parfois pas. Alors, faisons-nous passer pour un autre afin d’écrire, et tout pourrait se débloquer. Il raconte imaginer que c’est Balzac qui écrit, ou Hugo ( ou un autre, je ne me souviens plus)… et ensuite, c’est plus facile. Je vous avoue que le procédé est d’une étonnante simplicité, qu’il peut être fécond. Je me rappelle avoir écrit une nouvelle, en m’imaginant être Bukowski et si cette dernière était de piètre qualité, cette expérience m’a cependant laissé un excellent souvenir. Notez bien qu’il ne vous est pas proposé d’écrire « à la manière de... », mais de vous mettre dans la peau d’une autre personne pour écrire. Quelque part, c’est plus facile : imaginez que vous vouliez que ce soit Marguerite Duras qui raconte la journée passée à la plage, vous pourriez être embarrassé.e par le style à emprunter (entre Duras des débuts – Un barrage contre le Pacifique – et Duras du Nouveau roman – l’Amant – quel style choisir ?). Là, vous pensez juste que c’est Duras qui écrit, et c’est parti. A vous de voir si au final, le lecteur doit être informé de votre emprunt de personnalité… cela peut rester secret.
Je pense que l’on peut étendre le procédé : quitte à imaginer que c’est n’est pas vous qui écrivez, il n’est pas obligatoire que cela soit un.e écrivain.e, cela peut fonctionner avec tout Autre que vous-même. Une personnalité, un voisin, un animal, un personnage fictif, un objet, une plante, un véhicule… Tout, Autre que vous, de manière indirecte, sera votre porte-parole.
La première étape est cruciale : choisir qui vous incarnerez ou qui écrira pour vous (cela dépend comment on voit les choses). Je vous conseille vivement d’oser choisir une personne que vous admirez, que celle-ci soit écrivain.e ou non. (Possibilité également de tenter une expérience plus extrême comme proposé plus haut, pour les « non-humains »).
La deuxième étape, mais qui aurait aussi pu être la première, est de voir ce que cette personne ré-incarnée (par vous) va écrire. Si vous inversez les étapes, vous pouvez voir les choses de manière cinématographique. Je m’explique : vous avez par exemple envie de raconter une petite histoire de flirt léger, c’est le scénario. Pour l’écrire – l’interpréter – vous pouvez hésiter entre un Flaubert très réaliste et un Apollinaire qui exacerbera les sentiments !
Beaucoup de potentiel donc dans cette destination, ré-incarnez-vous, jouez de l’imposture tant qu’il vous plaira !

JFP ou son incarnation,

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