Destination : 155 , Portraits d'ailleurs


Marjorie : bon pour accord...





Un doux soir de juillet, ils firent sa connaissance ou plutôt ils la virent.

On leur avait dit : allez la voir, si elle vous plait, prenez-la...

Et oui..., qui aurait voulu d'une enfant réputée impossible ?

Le monde est ainsi fait.



Elle avait sept ans.

Pour qui veut pouponner, c'est bien là le problème...

Osons le dire : personne n'en voulait.



Haute comme trois pommes, légère comme une plume,elle semblait d'ici, d'ailleurs et de nulle part.

Et pourtant elle souriait.

Mais ils ne savaient pas à quoi et pas plus pourquoi.

Le savait-elle ? Tant la confusion et le désordre l'habitaient toute entière.



Ils virent d'abord ses yeux : de couleur rare, ils durent s'en approcher pour voir.

Vert mêlé d'or, pensèrent-ils, troublés.

De l'or..., c'était bien là hélas, sa seule richesse !

De sa petite bouche, sortaient des mots des rires et des sons, mais jamais de questions.

Ses traits désemparaient; car de prime abord, nul n'aurait pu dire d'où elle venait.

Ce n'est qu'après qu'ils surent : il y avait en elle, l'ombre du Plat pays, et puis, leur lâcha-ton plus tard...de Kabylie aussi.

C'est ainsi que son teint ambré se mêlait à la pâleur du Nord.

A celui de l'ennui. De l'abandon aussi.



On y voyait des cicatrices : c'est un garçon manqué, une casse-cou voir une maladroite, leur avait-on dit !



Ses cheveux ? Ils étaient tout simplement...châtains.

Un peu d'or encore, s'y mêlait.

Longs et bouclés, elle devait longtemps les garder.

Jusqu'au jour où voulant tout changer, elle les coupa.

Elle était jolie...

Un peintre de Montmartre la croqua.

Un photographe aussi.



A mieux y regarder et avec le recul, en ce jour de Juillet, elle ne comprenait rien, rien de ce qui se passait. On ne lui avait rien dit; on ne lui disait rien.



A 7 ans, l'âge où tout est joué parait-il, elle n'était rien, rien qu'un petit corps frêle, déraciné et perdu.

Sans langage, sans envie ni conscience.



Qui en aurait voulu ?



Trop fragile pour l'école disait-on, tout était à (re)faire.



Ils surent instantanément que la route serait longue, car déjà cette force (qui deviendrait combat, qui deviendrait refus), ils l'avaient repérée dès le premier instant, tant elle l'inondait, toute.



Ce qu'ils ne savaient pas encore, c'est que bien plus tard, dans ses moments, perdue, cette même force deviendrait tout à la fois, son arme et son alliée.



Qu'importait donc la route, ils la prirent par la main, sans lui demander certes, si elle voulait les suivre.



Aujourd'hui au terme de bien des errances, qui par trois fois, lui firent tenter l'extrême, elle attend un enfant.



Martine V.