Destination : 162 , Itinéraire de choix


Conséquences indirectes

Allo ! Que puis-je pour la femme de ma vie ?



La répartie me fait rire doucement et me flatte.



Je ne vois pas de qui vous voulez parler, Monsieur, répondis-je, joueuse.

Belle, brune avec une allure à vous damner. J'avoue ne pas pouvoir y résister.

Voilà qui me plaît. Trêve de plaisanterie, mon cœur, je t'appelle pour te dire que je ne pourrais pas te rejoindre cet après midi comme prévu. Mon amie Justine ne va pas très bien et j'ai promis de passer chez elle pour lui remonter le moral.

Allons bon ! Qu'est ce qu'il lui arrive encore ?

Bah ! Les hommes, toujours les hommes !

Ouhais ! Enfin, si quelqu'un peut lui redonner le sourire, c'est bien toi. Alors, bon courage et à ce soir, ma puce.



Quel amour ! Cet homme est d'une compréhension infinie et il ne manque jamais de me surprendre.

L'esprit tranquille, je me rends au domicile de mon amie. La porte s'ouvre et me laisse entrevoir l'étendue du désastre. En jogging délavé, les cheveux attachés négligemment sans parler de l'absence de maquillage, la Justine qui se trouve en face de moi est méconnaissable. L'intérieur de l'appartement n'est pas plus engageant et me fait prendre la mesure du désespoir ambiant. Alors que je m'assois dans un fauteuil, je la vois s'affaler sur le canapé en face de moi.



Hé bien dis donc, ça n'est vraiment pas la forme, dis-je pour entamer la conversation.



Je n'ai pas besoin d'en dire davantage que le barrage cède sous un torrent de paroles, de larmes, et parfois même de cris. Le tout, bien entendu, largement accompagné de mouchoirs en papier aussi vite jetés au sol qu'utilisés. Durant l'heure qui suit, je ne fais que compatir décriant la lâcheté et la bassesse qui ont déclenchés cette situation. Puis le torrent allant en s'amenuisant, je décide de prendre les choses en main. Sans lui laisser le temps de protester, je la pousse dans la salle de bains et lui prépare des vêtements pour sortir. Car quoi de plus réparateur qu'une bonne séance de shopping pour se valoriser à nouveau.

Je n'ai pas très envie de sortir, tu sais. Je suis affreuse et j'ai les yeux bouffis à force de pleurer, tente-t-elle de faire valoir. Et je n'ai pas envie de voir du monde non plus.

Le maquillage est là pour ça et c'est justement quand tout va mal qu'il faut s'entourer. Allez ! Dépêche toi !



C'est ainsi que nous nous retrouvons à passer d'un magasin à l'autre, essayant, sans grand enthousiasme au début, des vêtements dont nous n'avons besoin ni l'une ni l'autre. Ma bonne humeur étant contagieuse, un sourire apparaît enfin sur ses lèvres pour ne plus les quitter.



Je suis crevée, dit-elle en sortant de la dernière boutique. Si on rentrait chez moi, se faire un bon thé ?

L'idée est bonne mais on va plutôt essayer ce nouveau café qui vient d'ouvrir. Il paraît qu'il est aménagé avec des sortes d'alcôves. En plus, il n'est pas très loin. Allez, vient...... je t'invite.



Dès notre entrée, l'atmosphère intimiste me plaît. Il faudra que j'y revienne avec mon fiancé. Justine, à présent dans de meilleures dispositions, se faufile vers le fond et s'assoit à l'avant-dernière table. Je passe commande au comptoir et la rejoint. Dès que j'arrive, elle me fait signe de ne pas parler et me fait comprendre qu'elle écoute, discrètement, la conversation de la dernière table. La hauteur des sièges m'empêche de voir quoi que ce soit mais le sourire amusé de mon amie me fait tellement plaisir que je me prête à son petit jeu. Se penchant vers moi, elle me chuchote que l'homme qu'elle écoute a un plan drague effroyable et, curieuse, je me mets moi aussi à tendre l'oreille.

Il est vrai que ses intentions sont évidentes et je me surprends à plaindre la pauvre jeune femme qui se laisse prendre à son beau discours. Toutes les ficelles éculées y passent. Le flirt est flagrant et nous nous retenons de ne pas éclater de rire. Des bruits caractéristiques de baisers nous parviennent même tandis que nous buvons notre thé, et les trop faibles protestations de la jeune femme nous laissent à penser qu'elle doit faire face à des mains baladeuses.

Après s'être bien moqué, je fais signe à mon amie qu'il est temps pour nous de partir et tandis que je me lève, je vois celle-ci, incapable de résister à la tentation, faire un pas de côté et jeter un rapide coup d'œil dans l'alcôve voisine.

Je n'oublierai jamais cet instant : de rieur, son visage bascule dans une expression de profonde stupeur. Surprise, je m'avance et me fige à mon tour.



Nos regards se croisent, se reconnaissent. Je suis atterrée. Lui aussi, semble-t-il. Je ne peux dire un mot et après un ultime regard, m'éloigne vivement, mon amie sur les talons. J'ai du mal à respirer. Comment en suis-je arrivée là ? Si je n'avais pas annulé notre rendez-vous, rien de tout cela ne se serait passé. Si nous n'étions pas sorties.....Et si nous étions rentrées comme Justine le voulais..... Si, si, si ! Le mal est fait et bien fait. Je ne peux réécrire l'histoire. Il faut croire que l'existence de chacun est ainsi faite. D'une succession de choix mineurs qui peuvent, à tout instant devenir majeurs, et bouleverser une vie.





LYDIE F