Destination : 167 , Métamorphose


Houleuse complicité

N'insiste pas, c'est non !

C'est dégueulasse. Les autres, leurs parents sont d'accords, eux !



La rage et le dépit explosent dans cette dernière réplique.



Écoute Vané, si les autres parents trouvent normal de laisser sortir leur gosse en semaine, veille d'un jour de collège, sans encadrement et dans une fête plus que douteuse, c'est regrettable. Autant pour eux que pour leur enfant. Mais en ce qui me concerne, il n'en est pas question !



Sans même penser à soigner sa sortie, la jeune adolescente se réfugie dans sa chambre en fulminant.

Restée seule dans la cuisine, Marie se mit à peler une pomme de terre. Le geste sûr et régulier eut un effet apaisant sur ses nerfs mis à mal par la confrontation.



« L'adolescence n'est vraiment pas une partie de plaisir », pensa-t-elle alors. « Ce n'est pas parce que je suis seule pour l'élever que je ne dois pas être ferme. Surtout avec son fichu caractère », ne put-elle s'empêcher d'ajouter.



Du fond du couloir, une musique techno lui parvint soudain. Sa fille boudait à sa manière.



« Eh bien, le repas va être gai ».



Perdue dans ses pensées, Marie se laissa totalement aller au bienfait que lui procurait ses tâches domestiques. Les légumes tombaient, débarrassés de leur pelure comme les tensions, elles, quittaient son corps.



« Il est vrai que cette petite chipie peut se transformer en véritable harpie quand elle n'a pas ce qu'elle veut. Ses beaux yeux noisette se mettent alors à briller et ses gestes désordonnés tentent de discipliner une chevelure plus sauvage encore. C'est à cela que je reconnais sa véritable colère : lorsque ses propres cheveux l'importunent. Belle rousse aux boucles rebelles, Vanessa était une petite fille adorable. Au caractère aventureux, certes, mais tellement attachante. Dans les réunions familiales, elle menait la troupe de ses cousins et cousines d'une main de maître. Son esprit d'entreprise emballait les plus vifs et sa jolie frimousse arrivait à convaincre les plus récalcitrants. Je me doutais bien que la transition entre l'enfance et l'âge adulte ne serait pas simple. »



« Oh, ce n'est pas qu'elle soit désagréable mais sa force de volonté en fait une adversaire redoutable dans les conflits. Heureusement, ils ne sont pas trop fréquents. Sa nature profonde est généreuse et elle ne fait pas de caprices inconsidérés. Pour une enfant élevée par un seul parent, elle est très équilibrée et nous avons des conversations vraiment agréables et constructives. Fusionnelles, nous sommes à l'écoute l'une de l'autre, ce que beaucoup nous envient d'ailleurs. »



« Mais voilà ! L'équation s'est compliquée par un facteur incontournable : les garçons. Le premier regard a changé la donne. « Ses » yeux, « sa » bouche, « ses » mots........ Bref, plus rien ne compte plus que « lui ». J'ai bien sur été témoin de ses premiers émois, vu les changements transformer mon adorable gamine en une petite midinette rougissante. Et les coups de téléphone, les cœurs enflammés, les billets doux et les soupirs rêveurs. Tout cela était si mignon. Il faut croire que l'on est maintenant passé dans une nouvelle phase : celle des « trop coooooooool » et des « j'te déteste ». »



Un profond soupir s'échappe de la bouche de Marie. Du fond du couloir, la musique s'arrête. Une porte s'ouvre, des pas approchent... Vanessa rejoint sa mère dans la cuisine.



Quelqu'un vient manger ?

Non, pourquoi ?



Au coup d’œil de l'adolescente, Marie regarde à son tour le plan de travail où gît une énorme quantité de poireaux, pommes de terre et carottes entièrement épluchés.



Un échange de regard, un sourire complice...



Tu pourras toujours faire de la soupe, j'adore ça.







LYDIE F