Destination : 158 , Tout ce que je sais c’est que je suis ailleurs* !
La graine
Un jour, en me promenant dans la campagne, mes yeux se sont attardés sur le sol et j’y ai vu une graine. Une graine plate, couleur de sable, grosse comme l’ongle de mon petit doigt. Sans savoir pourquoi, je l’ai ramassée pour l’observer de plus près. Après l’avoir regardée sous toutes les coutures, j’ai décidé qu’elle n’était pas jolie. Alors, ne sachant qu’en faire, je l’ai cachée sous la terre. Juste comme ça, pour ne plus la voir. Et je l’ai oubliée.
Quelques jours plus tard, je suis revenue me promener sur le même sentier et figurez-vous, qu’à l’endroit même où je l’avais cachée, j’ai vu par hasard que la graine était en train de se sauver en direction du ciel ! Toute seule, comme une grande ! Enfin, toute seule… pas tout à fait, car à y regarder de plus près, je me suis aperçue qu’elle était poussée par une petite tige verte, toute fine, surmontée de deux ersatz de pétales. Hum… étrange… C’était comme si elle n’avait pas eu le choix. Allez oust ! dehors ! lui aurait dit la frêle pousse. Et la graine, le cœur fendu par le chagrin se serait laissée chasser de sa cachette. Ou bien elle serait morte de tristesse de n’avoir pas été trouvée jolie, et se serait fissurée afin de libérer la sève reproductrice qui coulait dans sa capsule encore pleine de vie.
Alors je me suis agenouillée près d’elle, et délicatement, j’ai ôté les deux moitiés de la capsule. Elles me semblaient mortes mais je les tout de même cachées sous la terre, on ne sait jamais… Puis j’ai observé la petite pousse verte, en me demandant si par hasard, elle ne serait pas née du sang versé de ma « pas belle graine ». Mais comment serait-il possible de faire naître un enfant plus grand que soi ? Et en si peu de temps…
Je voulais comprendre. J’ai donc décidé de venir le plus souvent possible, observer la pousse, qui devenait « ma » pousse. Peut-être ainsi découvrirais-je le secret de ses origines. Peut-être un jour arriverais-je à dessiner son arbre généalogique…
De demi-journées en demi-journées, ma pousse évoluait. À son sommet, deux petites feuilles se déployaient maintenant fièrement, comme pour protéger du soleil la tige encore chétive. Le soir, le petit parasol se fermait, c’était magique !
Un matin, je me suis levée tôt. J’avais pour idée de surprendre ma belle au saut du lit. En arrivant près d’elle, malgré l’heure matinale, il faisait déjà très doux, et je trouvai ses deux feuilles bordées d’un collier de gouttelettes brillantes. Je crus tout d’abord que la rosée s‘était invitée, mais non, point de rosée aux alentours. Ma plante transpirait ! Devant la douceur de la nuit, et pour préparer la chaude journée qui se profilait, elle faisait diminuer sa température interne en transpirant. Comme moi… In-cro-yable !
Au fil des jours, ma petite protégée a grandi jusqu’à s’épanouir en un beau plant de courge m’offrant de délicieux fruits colorés, à l’intérieur desquels je trouvais des graines plates, couleur de sable, grosses comme l’ongle de mon petit doigt.
C’est ainsi que je fis connaissance avec l’extraordinaire monde végétal qui nous entoure. Depuis, dès que je veux me donner le temps de l’observation, j’y découvre des phénomènes étonnants qui m’amènent à me questionner sur l’intelligence des plantes. Et une citation vient régulièrement entretenir le petit jardin de mon coeur " je pousse, donc je suis" !