Destination : 21 , Ecrits croisés
dest. 21 : Ecrits croisés - Une limière hors piste
Écrits croisés.
Une limière hors piste…..
Elle se saisit de l'affaire. Et quelle affaire ! Celle-ci avait débordé de partout. Pas un seul lieu sans que l'on en parle avec tous les adverbes les plus imagés! Pas un instant sans que quelqu'un ne l'évoque.
En fait, ce n'est pas une simple affaire. C'est une succession d'affaires, qui s'entassent et se mêlent les unes aux autres !
- Il va falloir faire un tri, se dit-elle. Et trouver les bons critères et indices.
Elle laissa passer une nuit. Comme le disait ce bon vieux dicton, la nuit porte conseil…
Le lendemain matin, elle se saisit de la pile de chemises et pour éviter de perdre l'un ou l'autre élément important, elle les mit toutes dans une panier. Non pas un panier à salade ! Trop petit. Il fallait voir grand, adopter différents points de vue, imaginer plusieurs angles d'attaque.
Tel un fin limier – et pourquoi le féminin n'existe-t-il pas? - affaire à suivre avec assiduité- , elle se saisit de la première chemise, bleue.
Elle en observa soigneusement le contenu. Un indice, si infime fut-il, devait être relevé, épinglé, voire extrait. Son inspection finie, elle passa à l'affaire suivante.
Elle prit avec précaution la deuxième chemise, rose. Elle en extirpa une paire d'éléments incongrus, totalement étrangers au cas présent. La texture et l'odeur que dégageaient ces pièces leur conféraient une origine douteuse.
Elle continua avec la troisième chemise, jaune. Les taches durcies n'avaient pas à être analysées : leurs odeurs et leur couleurs parlaient d'elles-mêmes. Pas d'interrogatoire mener.
Elle traita ainsi toutes les affaires, qu'elles fussent carrées ou arrondies, lisses, rugueuses ou franchement soyeuses, avec une même méticulosité.
Les minutes passaient, elle travaillait sans relâche : elle observait globalement puis en détail, elle réfléchissait, lisait une notice ou une étiquette si cela s'avérait nécessaire, elle pointait les indices significatifs et les mémorisait.
Lorsque cette première tâche fut finie, elle haussa les épaules, perplexe. Quelle suite donner ?
Attendre quelques jours afin de collecter un maximum de pièces à conviction ?
Commencer immédiatement, quitte à ce qu'il reste quelques « blancs » …
Elle regarda dehors, rêveuse. Le ciel était magnifique, un léger Mistral dansait dans les chênes et les pins. Une belle journée, se répéta-t-elle.
Alors, elle n'hésita plus une seule seconde. Elle fourra une partie de ce « tout » dans sa machine ! Vogue la galère, ce serait mis « en boîte ». Elle recommencerait l'opération une deuxième ou même une troisième fois.
Une heure après, sa machine fit un bruit étrange…
- Ce n'est pas possible, elle ne va pas me laisser en plan alors que je suis sur le point de….
Un coup de téléphone lui changea les idées. Après avoir raccroché, elle se dit qu'il fallait accélérer les affaires en cours.
Elle transbahuta l'ensemble puis le répandit soigneusement dans un autre local.. Son regard analysait à la vitesse de l'éclair. Elle fut satisfaite. Elle décida de passer à d'autres choses qui suscitaient tout autant son intérêt.
La fin de la journée ayant pointé le bout de son nez, elle rassembla ses affaires en trois tas, déposés sur une table bancale. Demain, se dit-elle, demain…
Quelques minutes pour moi, un brin de détente dans le spa pour oublier la moiteur, la froideur, les odeurs et la poussière.
Le lendemain matin, le ciel était tout aussi charmeur. Tous les indices portaient à croire que la journée serait agréable.
Elle se saisit de sa machine préférée. Elle traqua la moindre faille, le moindre soupçon, le moindre grain de sable…
Elle souriait. Sa machine fonctionnait à merveille, en harmonie avec les doux arias et concertos.
La machine magique lissait sans faiblir, toutes le tristesses du monde.
Elle se réjouissait d'avance de cette pause pendant laquelle elle siroterait un jus de citron bien frais.
Elle anticipait la fierté de voir toutes les affaires parfaitement triées et mises à jour.
Elle se voyait, le panier sous le bras, se dirigeant vers la lingère ….
© Danielle M