Destination : 187 , Animailleurs


dest. 187 : Animailleurs - Le 25 juillet

Animailleurs - Le 25 juillet



Cela faisait trois longues années que j'étais dans l'obscurité, dans le silence, à l'étroit bien souvent….

Courage, le mois de mai est passé… Encore quelques feuillets d'éphémérides…



Mon « 15 juin » est arrivé !

Mes premières vacances, le rêve : la lumière, la chaleur, le ciel bleu…mais je sais qu'elles ne vont pas s'éterniser. Je me donne un petit mois, ensuite, ils arriveront .

Qui ? Les touristes, bien sûr. Annoncés par les médias, ils défilent en longs cortèges! Et ça râle ferme...depuis Lyon, ville réputée pour ses bouchons. Les vrais, ceux où on mange divinement bien et les autres, vrombissants et polluants !



Enfin, après des heures de sueurs et d'énervements aux destinataires multiples et variés, les émigrés climatiques sont sur le point d'essaimer : dans la famille, chez des amis, en chambre d'hôte, en location de mas, à l'hôtel…Cependant, ils prévoient une dernière halte pour ne pas arriver tels des écrevisses ébouillantés.



Ils arrivent. Ils sont là. Aux claquements des portières, succèdent les grands ploufs et les cris perçants. La douce torpeur locale frémit d'effroi et moi, je me fige.



Ils ressortent de l'eau, s'ébrouent… miracle, quelques secondes de silence puis, une phrase fuse…

- Z'avez senti ? Z'entendez ? On est bien en Provence….

Moment de bonheur, temps suspendu…

Trop beau pour être vrai, les exclamations s'enchaînent et ça discute dans tous les coins :

- les bagages ...- toujours les mêmes qui se coltinent les poids lourds…

- les trucs-machins – comment ça marche ?…

- le frigidaire vide  - qu'est-ce qu'on mange ? Qui va au super-marché ?

- Où est ? Où sont ? Qui qu'est ?…



Tous les ans et partout, ce sont les mêmes litanies grinçantes. Mes copines des alentours me disent vivre le même cauchemar ! Nous nous époumonons à répéter:

-  Nous, les provençales authentiques, nous avons besoin de calme, l'agitation nous perturbe. A peine si on nous écoute ! Quel monde, mais quel monde….



11 juillet, en direct, je capte :

Mine chiffonnée – la mère épuisée ; raclement de tongs – le père courbaturé ; bâillements et râleries – la paire d'ados.

La musique braille du techno dans les oreilles des ados déjà avachis, elle gribouille une liste de provisions, lui, flotte entre deux eaux…



12 juillet, en direct, je capte :

Le rythme est pris. Les marchés, les repas, la sieste, les nouvelles connaissances, les soirées arrosées. Au bas de la liste s'ajoute, en post scriptum, la phrase culte : « C'est ça, les vacances ! »

Nous on n'en peut plus du cocktail BBQ et crème solaire, on n'en peut plus d'être réveillée en sursaut par les plongeons et les cris, on n'en peut plus des splatch, des boum boum, des klaxons, des conversations tonitruantes, des « à qui mieux mieux »…



14 juillet : je m'y connais !

Tous les sujets sont passés en revue : les fringues, les grosses voitures, les virées, les opinions politiques et autres, les « yaka faukon... »…



17 juillet : j'en peux plus…

Un mix des chansons caustiques de Brel chante à mes oreilles...des portraits vitriolés !

Encore une dizaine de jours à tenir à ce régime. J'espère que la prochaine fournée sera faite d'une autre pâte…



25 juillet.

Les nouveaux sont arrivés. Ils ont l'air sympa… Ils sont arrivés presque sans faire de bruit. Les portières ont à peine claqué. Ils parlaient tout bas…

- Tu as vu, ce paysage… les lavandes, les oliviers….

- Hmmmmm, ça sent bon….

- T'entends la cigale ? Elle doit être là, tout près de nous….

Je suis émue aux larmes. Je sens que nous allons bien nous entendre…



© Danielle













Danielle M