Destination : 265 , Je dirai malgré tout que cette vie fut Ailleurs


Tout feu, tout flammes

« Il fallut, à sa naissance, se rendre à l’évidence : Chloé avait hérité de la crinière flamboyante de tante Agathe. Mais pas seulement… quelques années plus tard, il ne faisait plus aucun doute que la petite tenait également de sa grand-mère son tempérament volcanique. Dès la maternelle, sa fougue et son impétuosité l’empêchait de tenir en place : elle bouillonnait sur sa chaise, prête à s’enflammer à la moindre contrariété. Elle devint une adolescente brillante et exaltée, dévorant les livres et la vie avec la même ardeur. Nul ne pouvait lui résister : ses yeux de braise et son sourire éclatant allumaient un incendie dans le cœur de ceux qui l’approchaient. Car sa fièvre était communicative et vous éclairait d’une lumière incandescente. Les femmes étaient emportées par cette flamme vive et chaleureuse. Et les hommes… Ah, les hommes !

Un seul regard et ils se liquéfiaient, tant elle dégageait une aura brûlante, pour ne pas dire torride. J’en connais plus d’un qui s’est consumé en silence, n’osant brûler ses ailes en lui déclarant sa passion. Car Chloé n’aimait ni les flambeurs, ni les flambeaux, prompts à s’allumer aussi vite qu’à s’éteindre. Ce qu’elle voulait, elle, l’ardente, c’était le coup de foudre, la passion qui embrase le cœur et le corps, l’exaltation la plus totale : le frémissement de l’attente et la fournaise de l’étreinte. Elle brûlait sa vie, insatiable et exaltée par l’idée d’allumer toujours de nouveaux feux. C’est ainsi qu’elle me prit Paul. Paul, si brillant, si intelligent, si beau, qui avait juré de n’aimer que moi et qui s’est enflammé comme une torche sous l’étincelle de Chloé.

La brûlure de cette trahison fit rougeoyer ma colère mais il faut savoir parfois ne pas se laisser emporter pour ne pas réagir à chaud : la vengeance est un plat qui se mange froid… Je patientais donc deux ans. Deux longues années à me préparer minutieusement pour ne rien laisser au hasard, attendant le moment propice qui se présenta dans le brouillard d’un soir d’hiver. Chloé ne comprit même pas, elle avait oublié Paul depuis longtemps, abandonné parmi ses souvenirs de braises éteintes. Mais pas moi. D’une allumette lancée sur sa voiture parfumée d’une fuite de gasoil imperceptible, je mouchais définitivement sa chandelle.

Oui, monsieur l’inspecteur, c’est moi qui ai refroidi la brûlante Chloé. Non, je n’en éprouve aucun remords. Et vous savez quoi ? Aujourd’hui, je peux même vous dire que malgré tout, cette vie fut enflammée… »

myriam