Destination : 56 , PCT (portrait chinois thématique)
le poémier
Le poémier
Je suis le poémier.
Je suis l'arbre à poèmes.
Dès l'aube nue je sème mes rêves, mes poèmes, fleurs
vives de la nuit, dès l'aube nue des lampes blêmes.
Pâle essaim de lucioles mes poèmes s'envolent de mes
feuilles pliées.
Dans mes pages froissées bruissent comme des ailes des
bouquets de voyelles, de rimes embrassées en brassées
de sonnets, de lais, de ritournelles.
Dans mon feuillage dense dansent les mots, dansent,
farandole au vent qui batifole, ariettes, odelettes et
les rondeaux nouveaux, et les ballades graves comme
des fandangos.
Oh la belle embellie ! Oh la jolie folie !
Mais s'égrène le sable à l'insatiable sablier. Vienne
enfin l'automne et la triste saison de la défloraison.
Tombent les illusions. Dans le soir qui frissonne aux
sanglots longs des violons je verlainise. Est-ce
raison ? Mes rêves oubliés, mes chansons agonisent.
Mes feuilles grises recroquevillées sur le sol gisent
éparpillées. L'automne est mort.
Mort ? Non. L'arbre dort.
Ma voix sonore encore éveillera l'aurore.
Dès l'aube nue je sèmerai mes rêves, mes poèmes,
fleurs vives de la nuit, dès l'aube d'or.
Je suis l'arbre à poèmes.
Je suis le poémier.