Destination : 123 , En solo


Seul avec vous Mesdames

Il est seul, allongé sur son lit après avoir pris une douche dans sa belle salle de bains aux accents de hammam. Il pensait s’accorder le plaisir d’une petite sieste réparatrice avant de continuer les enduits de cette maison. Hélas, trois fois hélas, pense-t-il… Le sommeil le fuit malgré les heures de travail accumulées, malgré les nuits d’insomnie à guetter la libération d’un sommeil sans songes. Alirio ne se repose plus, il lui semble ne pas s’être reposé depuis des mois. Parfois, après plusieurs nuits agitées et des journées de dix heures de travail intenses, il sombre dans une sorte de néant. Il se réveille le plus souvent dans l’exacte position où il s’était couché, il n’a même pas froissé les draps. Il ressort de ces moments là plus épuisé que jamais et plus déprimé, si c’est possible.



Personne d’autre que lui dans cette vaste bâtisse, une fois encore il est seul dans sa chambre et dans son lit. Alirio pense à tous ces moments où les nuits étaient courtes mais bonnes ; à toutes ces siestes où le sommeil ne manquait jamais de venir après le plaisir. Il se souvient de toutes ces fois où les draps portaient la trace de ses ébats et où nul n’aurait pu douter qu’il avait passé ces heures en charmante compagnie.

Oui, mais aujourd’hui personne n’est couché contre lui, aucun souffle ne répond au sien, aucune main ne se glisse sous le drap à la recherche de sa peau. Il passe en revue ses différentes maitresses, essaie de se souvenir des particularités de chacune, de leurs atouts et de leurs lacunes, de tous les bons moments passés avec elles. Rien, silence total en lui, pas une image ne se détache plus précisément, pas un frisson ne le parcourt. Il plonge dans ses souvenirs, évoque sa femme, leur rencontre et les premières étreintes si passionnelles. Il fait défiler le film de leur vie, s’arrête encore une fois sur les moments les plus forts de leur vie sexuelle. Il se dit qu’ils ont eu de la chance de vivre une telle entente, il se dit qu’ils ont vécu des moments de plaisir intense comme bien des couples ne les ont pas connus d’après les confidences entendues au gré des années. Il évoque tout cela et ne comprend pas. Il ne comprend toujours pas comment ils ont pu en arriver là, surtout il ne comprend pas pourquoi à l’évocation de tant de scènes de plaisir il ne ressent aucune excitation. D’un geste las et machinal, il glisse sa main sous le drap dans une ultime vérification. Il espère vaguement que son excitation lui a échappée mais qu’elle se manifeste physiquement. Hélas le drap reste désespérément plat, sa main ne rencontre que quelques centimètres de chair au repos entre ses cuisses ; il n’essaie même pas de se masturber….



Il rejette le drap d’un geste rageur et se lève d’un bond, vivement il sort de sa chambre et se dirige vers l’ordinateur. Il allume Internet et en quelques clics trouve ce qu’il cherche. Non, ce n’est pas possible, il ne peut pas à ce point être devenu si incapable de désir et de plaisir. Non, il ne peut pas, lui Alirio, avoir baisé pendant tant d’années avec enthousiasme et succès, avoir fait jouir tant de femmes si différentes, les avoir entendues gémir, les avoir vues onduler, les avoir senties se tendre tel un arc avant de s’abandonner totalement, il ne peut pas avoir bandé si souvent avant de jeter sa semence en elles et ne plus rien ressentir aujourd’hui !? Il veut retrouver ses sensations fugaces mais intenses qui lui ont donné tant de plaisir, il veut encore ressentir sa vie s’écouler dans un ventre chaud, entre des fesses confortables, il veut encore sentir des mains et des bouches savourer son corps et se rappeler à quel point il est un homme vivant.

Il est devant sa page Internet, elles sont des dizaines à vouloir lui tenir compagnie, elles sont des dizaines à lui faire des propositions sans aucune ambiguïté. Il se connecte, il crée son identifiant, oui c’est cela il se crée une autre identité et l’idée lui plait bien. Il invente un mot de passe, hésite un instant, habituellement il met la date de naissance de ses enfants, cette fois il a un doute. Par provocation il mettra celle de son mariage et dire que tant de femmes se plaignent d’un mari qui oublie systématiquement la date anniversaire de leur mariage !

Voilà, il a rentré toutes les données, spécifié son choix, oui il est hétéro et veut rencontrer une femme entre 30 et 40 ans pour un moment de plaisir sans contraintes. Surtout, surtout qu’on ne vienne plus lui parler d’amour et de sentiments, il a aimé éperdument Sophie, d’ailleurs il l’aime encore mais elle s’en fiche désormais. « C’est trop tard Alirio, trop tard, tu comprends ? »

Non, il ne comprend pas et se retrouve tout seul avec son cœur en bandoulière et son sexe en berne.

Bon, alors maintenant comment choisir ?

La photo d’une blonde aux yeux pétillants et à la croupe généreuse retient son attention, elle dit qu’elle se sent seule et qu’elle a besoin de beaucoup de câlins pour se sentir bien.

« Et bien ça nous fait un point commun, ma belle ! Câlins, je ne sais pas mais sexe et plaisir je vais faire mon maximum pour t’en donner ! »

Une heure plus tard, Alirio sonne à la porte d’un petit immeuble de bon standing, une fenêtre est ouverte au second étage. A l’interphone, une voix jeune lui demande s’il est toujours prêt à lui tenir compagnie.

Quelques instants plus tard, il est sur le palier, la porte est entrebâillée. Une belle femme d’environ trente ans lui ouvre. Elle porte une fine chemise transparente blanche sur une peau dorée et ses longs cheveux blonds flottent sur ses épaules. Cette envie de sexe sans fioritures révèle chez lui une excitation oubliée depuis longtemps. Elle l’entraine vers l’intérieur et va fermer la fenêtre. Comme elle le précède, Alirio a une vue totale sur cette croupe rebondie dans laquelle il va s’abandonner. Elle se retourne, il s’approche d’elle et la prend contre lui, il dépose un baiser rapide sur ses lèvres sensuelles et frotte son bassin sur ce ventre plat qu’il va fouiller de sa tige durcie dans quelques minutes. Elle se frotte aussi contre lui et défait son ceinturon…

Quelques minutes plus tard, ils s’enrouleront l’un à l’autre, chacun cherchera son plaisir et le trouvera dans un abandon aussi fulgurant que fugace.

Une demi-heure après Alirio est à nouveau dans sa voiture, rassuré sur sa virilité et sa puissance sexuelle. La blonde a gémi comme il le voulait, elle a été généreuse et accueillante et n’a pas ménagé ses efforts, du coup il n’a pas ménagé les siens et ils ont connu un plaisir fort et un bel orgasme.

De retour chez lui, dans la fraiche solitude de sa maison, il s’endort d’un sommeil lourd pour quelques heures. Au réveil, il est de bonne humeur et travaille comme il l’avait prévu.

Le soir, il se connecte à nouveau, la blonde n’est pas là mais d’autres l’attendent. Il fait le tour du site et de ces possibilités, sélectionne cinq candidates au plaisir et commence à chatter. En moins d’une heure, il a rendez vous avec une belle brune bien excitée. Cette fois, il arrive dans un petit lotissement coquet et se gare sur le parking de droite comme la brune (elle s’est faite appelée Cathia) l’a demandée. Il descend de voiture, elle est là et lui fait signe de le rejoindre. Elle lui explique comment entrer chez elle incognito à cause des voisins, (il ne faudrait pas que son mari l’apprenne, il est chirurgien et assure 36 heures de garde depuis ce matin). Alirio ne se pose pas de questions, il respecte les consignes et arrive sans encombre dans la salle à manger. Cathia est déjà installée sur la table dans une position qui ne laisse aucun doute sur ses attentes. Pendant deux heures, il n’aura de cesse d’expérimenter les possibilités offertes par l’ensemble du mobilier et son appétit sexuel débordant. Ils n’échangeront pas plus de dix phrases et Alirio renforcera ses convictions négatives sur les femmes. Elles sont bien de belles garces préoccupées uniquement par leur confort, leur sécurité matérielle et leur plaisir, Cathia l’illustre parfaitement, s’envoyant en l’air dans sa superbe villa dès que son mari part travailler !

En rentrant chez lui il est soulagé, son corps fonctionne à nouveau parfaitement, ils ont vraiment pris du bon temps tous les deux. D’ailleurs il a pris son numéro de téléphone et ils se reverront sûrement. Elle aime ça, n’a aucun intérêt à divorcer et habite tout près de chez lui. Le plan idéal pour lui qui a décidé de s’habituer à la solitude et au désert de sa vie sentimentale. Non, il n’aimera plus jamais personne d’autre que ses enfants, il va apprendre à ne plus aimer Sophie et retrouvera son énergie et son envie de vivre comme il l’a toujours fait, en la puisant dans les plaisirs du sexe. La seule différence est dans le mode de rencontre et celui-ci lui parait bien plus sûr que ses précédentes aventures. Avec ce système là, aucun risque de tomber sur une femme qui confondrait les genres. Il a juré de ne plus jamais parler d’amour avec aucune femme, il ne ressentira plus jamais aucun sentiment de cette nature, tout ça c’est terminé. Il n’a plus donné aucune nouvelle à Lucie, a bloqué ses tentatives d’appel et se dit qu’il lui rend service. Après tout, c’est une fille vraiment bien Lucie, elle mérite de rencontrer l’amour, du moins de rencontrer un type bien qui prendra soin d’elle et lui donnera tout ce qu’elle mérite. En retour il ne sera sans doute pas déçu puisqu’elle est très agréable y compris au lit. Sauf que lui ne peut pas lui apporter tout ce qu’elle mérite, il le lui a pourtant toujours dit et elle était d’accord mais ça ne pouvait pas durer, bien sûr. Et puis là encore il ne sait plus ce qui s’est passé et ne veut plus le savoir. Il a pris la bonne décision, Lucie l’oubliera, ce soir il lui offre la liberté sans parole, le luxe selon Alirio. Il s’endort avec soulagement, son sourire lui descend jusqu’au bas-ventre.



Alirio continue à se connecter régulièrement, couche avec des blondes, des brunes, des trentenaires et des presque cinquantenaires, il s’offre quelques heures de plaisir avec de superbes filles d’une vingtaine d’années. Il redécouvre les joies du sexe à l’état pur, pratique toutes les positions qu’il aime, toutes les situations qui l’excite, à deux ou à trois, dans le noir la lumière des clubs ou de la nature, il se laisse aller. Il est soulagé de se retrouver plein d’énergie sexuelle, de donner du plaisir et d’en prendre et se libère d’une sexualité convenue, d’un trop plein de libido contenu depuis ces derniers longs mois d’abstinence. Alirio baise à tout-va et tout va bien pour lui.

Seulement pour ressentir la même excitation, obtenir le même plaisir il va de plus en plus loin dans la réalisation de ses fantasmes. Il essaie des pratiques nouvelles pour lui et certaines finissent par lui laisser un arrière goût amer. Il commence à s’interroger, à se demander jusqu’où il ira, jusqu’où peuvent aller ces femmes, le jeu lui semble désormais plus dangereux qu’excitant.

Alors, il se souvient de ces aventures d’avant Internet, il se souvient des premiers instants. Ceux où les regards se croisent plein de promesses. Il évoque le souvenir de ces démarches souples qui l’emmenaient rouler sur des plages de plaisir, de ces décolletés dans lesquels il se voyait s’oublier, de ces longues jambes qu’il imaginait déjà dans une toute autre position. Il se rappelle les moments passés à chercher comment séduire une telle, à imaginer le plaisir de la découvrir nue et frémissante, le plaisir d’être surpris par une odeur différente, par une sensualité insoupçonnée. Il se souvient aussi des moments où ses maitresses s’abandonnaient dans ses bras et se montraient si tendres que ça en devenait communicatif... Depuis combien de temps, n’a-t-il ni donné ni reçu de la tendresse d’une femme ? Il se souvient des mots doux ou coquins de Sophie, de ses yeux plein d’amour, il se souvient du bonheur de la retrouver le soir après le travail et soupire.



Il ouvre son ordinateur et va sur le site, elles sont toujours toutes là, il commence à chatter avec l’une d’elle. Elle dit qu’elle est libre, qu’elle a besoin de chaleur et de caresses, elle lui demande de venir la rejoindre chez elle et ajoute qu’elle ne sera pas seule s’il le souhaite. Alirio acquiesce et commence à prendre ses coordonnées mais il ne ressent aucun désir, aucune excitation, alors il clique en haut à droite. Il bouge un peu sur son fauteuil, étire sa jambe gauche, il ressent à nouveau un picotement au niveau de la hanche. Il est seul encore une fois dans cette grande maison, il ouvre un tiroir et en sort quelques feuilles de papier dactylographiées. Il relit ces textes, il les a gardés précieusement comme le cadeau qu’ils sont. Dans ces lignes il est ce type bien qu’il voudrait tant être, pourtant il se reconnait dans ces portraits... Ces lignes sont pour lui et pour toujours ; c’est Lucie qui les a écrites et elles continueront à lui tenir compagnie dans sa solitude sans fin.

Lola