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La Réalité des Rêves

Mes arrière-grands-parents s’appelaient Danton et Aldaï. Je sais, des prénoms pareils, ça ne s’invente pas ! Et pourtant si… Je regrette aujourd’hui de n’en avoir jamais questionné l’origine. Ils s’étaient mariés dans les années 1930 et ma grand-mère était née l’année suivante, bientôt rejointe par quatre frères et sœurs. La vie de Danton et Aldaï, dont les tempéraments explosifs ont généré quelques histoires savoureuses, mériterait tout un roman mais ce n’est pas là le sujet de ce récit. Je vais donc faire un saut de quelques décennies...

J’ai très bien connu mes arrière-grands-parents, nous y passions avec mes parents tous nos dimanches après-midi, sans compter les vacances que ma sœur et moi avons prises chez eux, avec la bande de cousins toujours réunis. J’ai des souvenirs très précis et émus de nos après-midi de vadrouille dans le village, des soirées à la pétanque avec papi, des tisanes tilleul-fleur d’oranger de mamie, des bouteilles pleine d’eau bouillante et enveloppées dans une épaisse chaussette pour réchauffer les lits glacés de la chambre en hiver, des razzias sur les fraises au potager, et tant d’autres choses encore, à la fois insignifiantes et essentielles pour ce que nous allions devenir, ce que nous sommes devenues.

Ces deux rocs, que j’avais toujours crus indestructibles, ont pourtant fini par attraper le même virus que les autres vieilles personnes. Ils se sont éteints à quelques années d’intervalles, Danton le premier, en 1999. Celui qui avait échappé à la mort pendant la guerre n’a pas supporté, à 94 ans, l’anesthésie nécessitée par une crise d’appendicite. En 2002, ce fut le tour d’Aldaï, qui s’est éteinte après deux AVC consécutifs ; le premier l’ayant laissée paralysée, le second achevait le travail.

Je venais alors de rencontrer mon compagnon. Je n’ai donc jamais pu leur présenter celui qui allait devenir le père de mes enfants. Ce raté du calendrier m’a toujours laissé un goût amer. Le temps a passé et, quelques années plus tard, je suis devenue maman. Les nouveaux venus ont pris la place laissée vacante dans ma vie, mais ma mémoire et mon cœur n’ont jamais oublié. Je ne savais pas à quel point, jusqu’à cette fameuse nuit de 2010…

« … je suis arrivée chez eux, comme toujours par la porte de derrière. J’ai monté les marches de l’entrée et j’ai poussé la porte. Tout était comme d’habitude. Le fauteuil en entrant sur la gauche, la grande table qui accueillait la tablée des cousins, la télévision allumée, juste en face. Derrière la cuisinière, elle était là, telle que je l’ai toujours connue. Ces cheveux courts et grisonnants encadrant son visage au regard pétillant, son sourire affectueux et sa joie de me voir là, venue leur rendre visite. Le couvert était mis et je suis sûre qu’un potage au vermicelle était en train de mijoter… Lui était assis à sa place, derrière la table, en train de regarder le journal. Il a posé ses lunettes et m’a dit « bonjour Myriam, c’est gentil de venir nous embrasser ». Et c’est ce que j’ai fait, tout simplement, sans dire un mot car il n’y avait pas besoin de parler, on était juste là ensemble et c’était bien. Je me suis assise avec eux et puis finalement, je leur ai quand même dit « C’est chouette, vous n’avez jamais rencontré mes enfants, je vais vous les présenter… » Arthur, Maëlle et Morgane sont arrivés à mes côtés et j’ai vu mes arrières-grands-parents, je vous jure, sourire et les embrasser avec la même chaleur qu’autrefois… »

Quand je me suis réveillée, le lendemain, je me sentais bien et surtout, heureuse. Je ne sais pas ce qu’il se passe derrière la porte, je ne crois pas spécialement en quelque chose mais, ce matin-là, j’avais vraiment l’impression d’avoir passé un moment avec eux. J’étais aussi tellement fière qu’ils aient rencontré mes enfants. Et je suis absolument convaincue, encore aujourd’hui, que tout cela était réel, d’une manière ou d’une autre.

myriam