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Rien de Rien

Dans une ville lointaine, d’un lointain pays, habitait un homme tout à fait ordinaire, qui vivait dans un appartement ordinaire lui aussi, au troisième étage d’une résidence semblable à toutes les autres résidences de bien d’autres villes dans d’autres pays.

Dans ce pays, il ne se passait jamais quoi que ce soit d’extraordinaire, et dans cette ville non plus, ce qui fait qu’il en était de même dans la vie de cet homme. Notre bonhomme suivait avec bonhomie son petit bonhomme de chemin, sans se poser de questions métaphysique ou existentielle sur le pourquoi du comment ni le comment du pourquoi de la vie.

[Il ne faut donc pas s’attendre à un rebondissement incroyable dans cette histoire, il y a peu de chance qu’un astéroïde s’écrase dans le centre-ville et encore plus improbable que ce dit astéroïde ne soit porteuse d’un message d’une civilisation extraterrestre inconnue.]

Il se levait, s’étirait, sortait du lit par le côté droit pour ne pas se lever du pied gauche, enfilait ses pantoufles alignées sur le tapis au pied du lit, passait aux toilettes, prenait sa douche en se lavant de haut en bas –jamais l’inverse-, se rasait, lançait la machine à café, nourrissait son chat, ouvrait les volets, laissait les fenêtres ouvertes quand il ne pleuvait pas, buvait son café en regardant les gens qui allaient et venaient en bas de son immeuble, saluait la voisine qui promenait son chien, faisait coucou au gamin du premier qui partait à l’école, finissait sa tasse, la posait dans l’évier, refermait les fenêtres, se lavait le dents, mettait ses chaussures, prenait sa veste s’il faisait froid et son parapluie s’il pleuvait, sortait de chez lui, fermait sa porte à clé, un, deux, trois petits tours et puis s’en va, se dirigeait tranquillement vers l’arrêt de bus, montait dans le bus et regardait par la vitre la ville défiler jusqu’à son travail, entrait dans le hall, saluait l’hôtesse d’accueil, prenait l’ascenceur, montait au dernier étage, ouvrait la porte de son bureau, la fermait derrière lui, s’installait dans son fauteuil, allumait son ordinateur et commençait sa journée de travail, prenait une pause deux heures plus tard pour boire un café, puis deux heures plus tard pour déjeuner, une dernière en milieu d’après-midi, quittait son travail toujours à la même heure, rentrait chez lui à pied cette fois pour faire un peu d’activité, s’arrêtait à la boulangerie pour s’acheter une baguette et parfois aussi une chocolatine, à la supérette pour faire quatre courses (du lait, des œufs, des tomates et des croquettes pour le chat), arrivait en bas de son immeuble, vérifiait le courrier dans la boite aux lettres, montait jusqu’au troisième par les escaliers, ouvrait sa porte, un, deux, trois petits tours et puis voilà, entrait en refermant soigneusement derrière lui, enlevait ses chaussures, sa veste s’il faisait froid, posait son parapluie s’il pleuvait, s’asseyait sur son canapé avec le chat qui ronronnait, regardait un peu la télévision, préparait le repas, arrosait les plantes, nourrissait le chat, fermait les volets, mangeait, rallumait la télé, allait se coucher quand le film était terminé.

Et le lendemain, il recommençait. Et le jour suivant, et le jour d’après, du lundi au vendredi. Le samedi et le dimanche, il allait se promener ou faire les magasins ou un cinéma ou déjeuner avec un copain.

Vous voyez bien qu’il n’y a pas de place pour un astéroïde dans cette histoire. Je vous avais prévenu. Parce que dans la vie de ce bonhomme, dans cette ville lointaine d’un lointain pays, il ne se passait jamais rien.

Rien du tout.

myriam