Destination : 181 , Quatre mensonges et une vérité
Vaste débat philosophique : peut-on dire / écrire la vérité ? Même si on a cette question en tête pour cette destination, et qu’on y réfléchira certainement, ce ne sera pas l’objet de cette destination.
L’autre jour, en écoutant l’excellent Boris Cyrulnik*, j’ai appris que toute mémoire nous mentait.
En effet, il est aujourd’hui neurologiquement démontré que l’acte mental qui vise à se souvenir utilise « les mêmes circuits » que celui qui consiste à imaginer. Se souvenir c’est la même chose qu’imaginer. Raison entre autres pour laquelle deux personnes ne se souviendront pas de manière identique d’un même fait. Cyrulnik nous dit que nous nous « mentons vrai ». Il a raison, nous piochons des faits de notre passé que nous réinterprétons pour en faire des souvenirs, ce qui fait que nos souvenirs, loin d’être figés évoluent… Bon, j’ai peur de vous transporter vers un fatras de réflexions personnelles, pas inintéressantes mais pas non plus éclairantes quant à la destination du jour. Quelle est-elle ?
Tout simplement choisir quatre faits que l’on jugera mensongers et une vérité ; que l’on intègrera à une histoire / lettre / nouvelle / annonce / etc. Je crois qu’il est bien de les choisir avant, mais ce n’est pas une certitude, certains écrivants préférant trouver d’abord un démarrage, conduire leur histoire pour ensuite se forcer à y adjoindre ces contraintes. Vous vous connaissez et utiliserez le mode d’emploi qui vous convient le mieux. Si vous bloquez d’une manière, tentez l’autre.
Pourquoi quatre mensonges et une vérité ? Pour trois raisons, toutes aussi différentes qu’importantes. Tout d’abord pour faire un clin d’œil au fameux film « quatre mariages et un enterrement » je trouve que cela ressemble beaucoup à quatre mensonges et une vérité, cela sonne bien. Ensuite parce que l’instituteur de mon fils aîné lui a proposé comme sujet de rédaction de rédiger trois mensonges et une vérité (veuillez noter qu’à la lumière de ce que j’ai lu j’ai nettement préféré les mensonges à la vérité). Troisième raison, pour faire écho au texte de Berthold Brecht « cinq difficultés pour écrire la vérité »** (4+1=5).
Quelques remarques avant de vous laisser perplexes pour les trois semaines à venir (enfin tranquille !). L’intérêt dans notre démarche sera de ne pas dévoiler sciemment au lecteur ce que nous aurons choisi comme vérité et comme mensonge, ce sera à lui de deviner puisqu’il saura qu’il y avait cette contrainte. Il va de soi que fondamentalement, toute nouvelle digne de ce nom contient intrinsèquement plus d’une vérité et plus de quatre mensonges. Enfin, un texte de fiction contient des faits « faux » mais peut à mon avis être plus vrai qu’un récit de vie, se voulant lui rendre compte de la vérité.
* Dans « sauve-toi, la vie t’appelle », Boris Cyrulnik nous dit d’abord qu’il est né deux fois : à sa naissance « naturelle », puis lorsqu’à la suite d’une rafle nazie il s’échappe non sans avoir perdu ses parents. Il part alors en quête de ses souvenirs qu’il confronte avec les faits pour s’apercevoir que sa mémoire lui a menti vrai. Je résume là ce que j’ai entendu de l’auteur à propos du livre autobiographique qu’il a écrit et que je n’ai pas (encore) lu. Cet auteur avec ses études d’éthologue et son concept de résilience est une personne que j’admire et à qui je suis content de rendre hommage au travers de cette destination.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Boris_Cyrulnik (à noter que je n’ai pas trouvé un site digne de ce nom pour cet auteur).
** B. Brecht « cinq difficultés pour écrire la vérité » http://www.contre-informations.fr/classiques/brechtbarbusse/brecht4.html
Enfin, cette destination ne serait pas complète si elle n’était pas comme un certain nombre de destinations, auto-référente (comme « je mens »), elle contient ses quatre mensonges et sa vérité !
Bon voyage,
JFP