Destination : 184 , Apocalypse Now


FATALE VISION

Les bottes du scientifique s'enfoncèrent dans une neige souple et rosée qu'il lui rappelait les desserts de son enfance. Ivan IVANOF soupira, encore une manifestation de la folie qui s'était emparée de la nature depuis l'explosion de la centrale nucléaire.



Il préleva à différents endroits des échantillons de cet étrange dépôt et les enferma dans une boite.

Il regarda le ciel, il était comme à l'accoutumée d'un gris uniforme, monotone, oppressant .

IVANOF était inquiet cela faisait plusieurs mois que les échantillons et ses rapports s'entassaient dans son laboratoire. Les chiens de garde du ministère ne venaient plus les chercher. Il ne recevait plus de colis de rations alimentaires. L'avait-on oublié ?



Voilà cinq ans qu'il avait choisi de vivre et d'exercer son métier en zone interdite avec la bénédiction des autorités. Il avait vite appris à se suffire à lui-même. Pour être un bon chercheur en botanique il convient non seulement d'être un débrouillard mais aussi, modestement, un magicien. Il avait réussi a recréer de petits jardins potagers dans son abri sous-terrain ce qui améliorait considérablement ses connaissances en biologie et ses menus quotidiens.



En arpentant minutieusement la vaste zone interdite, il avait pu cartographier des parties miraculeusement non contaminées, des sortes d'oasis sur lesquelles il pouvait faire pousser des légumes, des arbrisseaux et des fleurs de taille et de couleur tout à fait ordinaire.



Plein d'une ardeur joyeuse, Ivan IVANOF avait construit une modeste isba dans laquelle il pouvait vivre, le temps de vacances inventées, sans combinaison ni casque.

Le miracle s'éternisait, se confortait, à présent un renard rodait autour de l'isba et peu à peu l'homme l'apprivoisait en sifflant. Des lapins, alléchés par le potager, venaient en famille. Certains finissaient en civet ou en pâtés



Au-delà de sa zone interdite, Ivan IVANOF savait qu'il existait d'autres zones. Il avait vu passer des camions militaires dans lesquels étaient entassés des femmes et des hommes. Les opposants politiques étaient nombreux. L'état devait s'en débarrasser à bon compte en les parquant dans des camps de travail ou l'irradiation était à son maximum.



La vision de cette neige rosée, qui donnait au paysage un aspect féerique, lui alourdit soudain le coeur. Il voulu se ressourcer dans son isba. Il avait la ferme croyance que rien ne pouvait atteindre son îlot paradisiaque.



Il arriva bientôt en vue de l'isba. Ses capteurs crépitèrent, s'affolèrent dans une direction bien précise. Ivan IVANOF, statufié, vit une femme, vêtue de loques, qui dormait sur le petit perron de l'isba un renard roulé en boule à ses pieds.



Fin

EVELYNE W