Destination : 193 , Autres temps
voyageur du temps
C’était un de ces soir, où Paris se recouvre d’une petite pluie fine et pénétrante, qui vous fait pressé le pas pour rentrer plus vite chez soit, où vous vous maudissez d’avoir oublié votre parapluie, où vous relevez le col de votre veste, et l’eau vous pénètre le dos et vous glace les reins. Où vous maudissez aussi les feux des carrefours éternellement au vert, et le flot de voitures, avec leurs phares aveuglants, vous empêche de traverser.
J’étais dans cet état là en cherchant une station de métro, pour me mettre à l'abri, et rentrer plus vite. Au moment de descendre les escaliers du métro, je glissais, ma tête heurta un objet contondant, comme ils disent dans la police, je ne voyais plus que du noir et glissais, glissais longtemps, j’avais l’impression d’être sur un toboggan, ou plutôt sur une piste de luge. J’entendais des cloches sonnées, bruit lourd et monocorde. Je rouvris les yeux et vis des personnages avec des costumes bizarres certains encapuchonnés de gris.
— Il a une drôle de tête dit l’un.
— Vous avez vu ses habits ? Ce n’est pas un clerc !
— Le diable peut-être ? Suggéra une femme.
Aussitôt tous se signèrent.
— Allons le porter à la mère Ninon l’apothicaire.
Deux personnages encapuchonnés me soulevèrent de terre, et m’emmenaient par les rues sombres vers une boutique.
—Mère Ninon criaient-ils ensemble, toi qui as voyagé chez les sarrasins d’Espagne, dit nous quel est ce drôle de personnage ? Pas le diable au moins ?
—l’avez-vous aspergé d’eau bénite ? Demanda une voix qui venait du fond du magasin.
—Nous n’en avions pas sur nous, et il est déjà bien mouillé !
La femme nommée Ninon de forte corpulence, avec une paupière fermée, qui rendait son œil ouvert encore plus persan, s’approcha.
— Alors bonhomme qui es-tu ? Nous comprends-tu ?
— Avec du mal ! répondis-je. Vous parlez avec l’accent des Canadiens.
— Connaît pas ce pays ! Répondit mère Ninon. Les autres ricanèrent.
— Vous autres, rentrez chez vous, je vais le soigner.
— Vous êtes sûr qu’il n’est pas dangereux, vous ne voulez pas que nous appelions les sergents ?
Ninon les poussait dehors et ferma sa boutique.
— Mais où suis-je ?
— Dans la boutique de mère Ninon qui vend les herbes qui guérissent, aussi bien le haut mal que les douleurs du bas ventre, et dénoue les aiguillettes.
— Je veux dire… L’année.
— Mais tout le monde sait ça ! nous sommes en l’an de grâce 1392 après notre seigneur Jésus-Christ.
— C’est qui le roi ?
— Avec des questions pareilles, l’inquisiteur t’enverrait au bucher place de Greve ! c’est notre bon roi Charles VI.
— Le roi fou ?
— Tu blasphèmes ! notre jeune roi n’est nullement fou et vient d’épouser une bien belle princesse allemande, Isabeau !
— Oh mon dieu ! murmurais-je, me voilà en pleine guerre de Cent Ans et rien pour arrêter cet engrenage.
— Tu es trempé, viens, mon domestique va te trouver une tenue mieux faite dans ta condition, car je le sens, tu n’es pas un simple manant, tu te tiens droit et les dents blanches comme un noble.
Elle appela « Cerfol ! »
Un homme de forte corpulence arriva de par une porte de l’arrière-boutique.
Quelque temps plus tard je me sentis déguisé en robe et collant, capuchonné comme n’importe quel guindant du Moyen-âge comme je me souvenais d’avoir vue sur les reproductions de tableau, dans des magasines. Je cachais sous sa toque, mon portefeuille avec ma carte bleue, et rangea mon téléphone portable qui ne m’était plu d'aucunes utilité.
J’acceptai la couche dans le grenier, inconfortable, cela ne m’empêcha pas de m’endormir en pensant que j’ allais me réveiller dans mon « vrai »lit.
Non ! Cerfol était toujours là au petit matin, nous descendîmes dans la cuisine ou il me servit du lait caillé.
Ninon arriva à son tour.
— Notre voyageur a-t-il bien dormi ?
— J’avoue qu’on dort à la dure, mais bien au Moyen-âge !
— Que dis-tu ? Moyen quoi ?
— Euh rien !
— Mais d’où viens-tu ?
— Pourrais-je te l’expliqué mère Ninon ? Je n’y crois pas moi-même !
— Oh j’en ai tellement vu que tu peux tout me dire !
— Je suis un voyageur du temps, je viens du XXIe siècle…
— C’est le diable qui te fait parler ?
— Oh non, regarde cet objet :
Je sortis mon portable de ma toque.
— Qu’est-ce cet objet ?
— Écoute.
Dans mon portable j’avais enregistré quelques morceaux de musiques je lui fis écouté.
— Du Mozart ! dis-je. Un musicien qui vivra dans quatre siècles.
— Musique des anges ! Maintenant je te crois, tu n’es pas le diable.
Cerfol, qui avait disparu revient en courant, hors d’haleine, il explique que le jeune roi, dans la forêt du Man, avait vu le diable, et avait perdu la raison.
Ninon se retourna vers moi.
— Tu me l’avais dit hier ! Tu peux donc prédire l’avenir ?
— Oui et ce n’est pas brillant ! Une femme perdra le royaume, celle que vient d’épouser le jeune roi, une autre le sauvera, une pucelle libérera Orléans, et remettra le roi sur son trône, le fils de celui-là.
Je lui expliquais toute l’Histoire de France tel que je l’avais appris en mon temps scolaire. Ninon n’en revenait pas.
— Si je conte ça, on me brule ! répétait-elle.
Je me promène seul, dans les rues boueuses de Paris, je pense à Ninon qui venait de me raconter sa vie. Je vais au hasard, et me retrouve devant la cathédrale Notre-Dame toute neuve, toute peinte de mille couleurs. Je rentre, tout était noir, des cloches sonnent, je me sent oppressé, je manque d’air. Ne pouvant plus respirer, je ressor, et ma surprise, j’étais revenue au XXI siècle ! Dans mes oripeaux moyenâgeux, je rentrais vite chez moi. J’étais prêt à raconter les aventures de Ninon, tel qu’elle me l’avait raconté, dans mon prochain roman.