Destination : 190 , Un horizon si proche
dest. 190 : Un horizon si proche - Journal d'un Petit
Un horizon si proche
Journal d'un Petit
J – 7
Ça y est, je peux commencer le décompte. C'est rigolo ! Alors que mes parents s'amusent à me roucouler : un petit nez, une petite bouche, deux yeux jolis, deux oreilles en dentelle, moi, je sais déjà décompter… 7, 6, 5, 4….
Mais je ne vous dirai pas pourquoi j'ai mis le chronomètre à l'envers !
J – 6
C'est une honte ce que j'ai vu dans une revue que ma maman a laissé traîner. Une combinaison en microfibre pour bébé, avec de longs « poiluches » qui font ramasse-poussières ! Il y a un truc qui m'échappe certainement : d'un côté, on fabrique pour les adultes des lingettes pour tous les usages, mais à usage unique. De l'autre, on invente pour nous, les bébés, une « combi » à se coltiner toute la journée !!!
J – 5
Je fais cela en cati-mini et surtout quand personne ne me regarde. Et cela tombe bien car , justement, on me met dans le parc parce qu'on ne peut pas me regarder. Je fais des tractions, des extensions, je teste tous mes muscles : adducteurs et abducteurs. Un vrai paquet d’élastiques. Je tire, je lâche, je monte, je descends...
J – 4
Je sais que mes visions du monde vont bientôt changer, alors, je m'empresse de noter ce qui sera bientôt enregistré comme un de mes premiers souvenirs.
Mon horizon :
- le carrelage. Beige. Je distingue les nuances, les veinules et les premières micro-fissures. Je distingue les petits grains des joints et les débordements soi-disant invisibles. Je dégote les miettes de pain et de chips - ma préférence : ceux au paprika. Parfois, je me prends à rêver avec les fourmis ou à voler avec les mouches. Je n'aime pas les araignées, elles mordent ma peau si délicate.
- les chaussures : un sacré défilé. Des talons de toutes les hauteurs, des couleurs dignes d'un arc-en-ciel un peu fou. Des matières : de la plus douce à la plus glacée. Parfois, je vois des orteils aux ongles vernis ou non. Pour les vernis, cela va du rose tendre – rose ongle de bébé qu'ils disent – jusqu'au grenat le plus profond. Tiens, cela me fait penser aux robes des vins….
- les jambes : il y a celles qui bougent et celles qui ne bougent pas. Je me méfie davantage de celles qui bougent ; on ne sait jamais d'où elles viennent ni où elles vont . Il y en a des poilues, des en peau dorée, des en tissus ! C'est drôle ! Et puis, il y a aussi les pattes qui ne bougent pas. Elles sont moins drôles mais tout aussi imprévisibles : elles sont immobiles et puis quand j'arrive, pan, je surprends tout le monde en hurlant car mon petit doigt est écrasé. Parfois, c'est mon nez ou mon front qui prennent le choc de plein fouet !
J – 3
Même si ma vision du monde est au ras du sol, je sais que je pourrai bientôt voir plus grand. J'ai ma petite idée quand papa ou maman me prennent dans les bras. Super, le spectacle, je pourrais presque manger ma panade sur leur tête. Et en plus, je vois loin… le bout de la pièce, le bout de la maison, le bout du jardin, le bout de la rue...Mais, bien sûr, il y a un mais : je vois ce qu'il y a, là où ils ont décidé d'aller. Ailleurs, ce sera pour plus tard !
J – 2
J'ai des fourmis dans les bras et dans les jambes. Je me suis même surpris à gonfler les joues, à devenir tout rouge en tirant sur les barreaux. Il me semble que mon popotin est bien lourd. Peut-être que si mes parents avaient l'idée de m'enlever cette énorme couche culotte, je serais plus léger et mes gambettes auraient une plus grande liberté de mouvement !
J – 1
J'ai, tout à coup, un petit coup de blues ce matin. Une copine de maman est venue et elle a dit que c'était terrible depuis que son petit marchait. Il fallait toujours le surveiller, il touchait à tout et vidait toutes ses armoires. Elle a même dit tout bas : « Et puis, maintenant qu'il marche, je n'ai plus la patience, je le mets dans la poussette. »
Et quoi, il ne manquerait plus qu'à nous demander de nous taire après qu'ils aient tant attendus nos premiers mots...Ils sont parfois étranges, les parents !
J… jour J
J'attends que papa et maman soient rentrés du travail. Je les regarde bien dans les yeux. Ils vont voir ce qu'ils vont voir ! Mesdames et messieurs, prenez place pour un spectacle grandiose….
Debout, je suis debout, jambe gauche, jambe droite… je marche !!!!
Un horizon si proche me quitte. A moi le grand monde.
Cela faisait 1 an que j'attendais ce moment grandiose.
© Danielle M