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Destination : 325 , Cata-Strophes !

Catastrophe

LA LÉGENDE DE ZOÉ



Ils l’avaient toujours traitée de folle. Déjà à l’école, ces camarades se moquaient d’elle, de ses cheveux ébouriffés, de ses yeux de chat, de son amour pour les bêtes et de sa manie de toujours tracer la lettre Z de travers. « Elle ne sait même pas écrire son prénom ! »

Elle s’en moquait, Zoé. C’étaient eux qui ne comprenaient rien.



Elle a grandi Zoé. Et les choses n’avaient pas vraiment changé. Surtout que depuis que le sang avait coulé d’entre ses jambes, Zoé sentait des choses que les autres ne percevaient même pas. Les orages, la grêle, la pluie. Plusieurs jours à l’avance. Ça lui faisait comme un bourdonnement dans la tête, un essaim d’abeilles virevoltant qui ne s’apaisait qu’avec l’arrivée des nuages.



Zoé n’en avait jamais parlé à personne jusqu’à ce qu’elle le rencontre. Ils s’étaient compris et aimés dès le premier regard, ou bien l’inverse. Il était menuisier, il aimait le bois autant que Zoé aimait les animaux. Quand ils se promenaient ensemble, ils ne parlaient pas. Leurs oreilles étaient emplies des histoires que leur racontaient chaque arbre, chaque insecte, chaque fleur sauvage et chaque oiseau.



Ils ont eu trois enfants. Deux filles et un garçon. C’est peu après la naissance de ce dernier que les bourdonnements ont recommencé. Mais cette fois, Zoé le sentait, il y avait quelque chose de différent. Leur intensité variait au gré des journées et des moments mais jamais ils ne s’arrêtaient. Et, progressivement, ils ont monté en puissance, jusqu’à devenir permanents. Cela dura pendant des semaines, des mois. Zoé ne pouvait plus dormir, elle sentait que quelque chose de grave arrivait.



C’est lors d’une insomnie qu’elle a décidé de passer à l’action. Elle l’a réveillé pour lui exposer son idée. Elle a gesticulé, argumenté, crié un peu puis s’est apaisée. Malgré ses doutes, il faisait confiance à l’instinct de Zoé. Alors il a suivi ses indications. Pendant des mois, ils ont travaillé jour et nuit dans leur atelier puis à l’extérieur, quand il n’y a plus eu assez de place. Pendant qu’il rabotait, sciait, clouait, agençait, ponçait, enduisait ; elle parcourait la campagne pour compléter son trésor. Evidemment, tout le monde la traitait de folle. Il y a des choses qui ne changent jamais…



Un jour ils ont été prêts. Alors ils sont entrés dans la grande forteresse de bois, ils ont fermé la porte derrière eux, et ils ont attendu. Pas longtemps. Zoé dirait plus tard qu’elle avait eu l’impression que quelque chose, ou quelqu’un, peut-être la déesse de la nature ou la Terre elle-même, avait attendu qu’ils aient terminé. D’un coup, les bourdonnements dans la tête de Zoé se sont arrêtés. Une première goutte est tombée, suivie d’une deuxième. Puis des dizaines, des centaines, des milliards de gouttes sont tombées. La forteresse a été soulevée, ballottée sur les flots, entrainée par les courants vers de nouveaux rivages.



Sur le flanc de la forteresse en bois, Zoé avait gravé son nom. Mais elle ne savait toujours pas tracer correctement la lettre Z… Et, plus tard, quand elle voudrait raconter que c’était elle, une femme, qui les avait tous sauvés, ils la traiteraient de folle.

myriam