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Destination : 317 , Mensonges
Le transfert
La femme tricotte paisiblement dans la vaste salle aux fenêtres garnies de solides barreaux.
Un homme en blouse blanche se penche vers elle. « Que tricottez-vous madame Julie ? » La femme, sans âge, au visage fatigué, lève vers l’homme les yeux d’un bleu presque transparent : « Une poupée. Vous verrez, elle sera très jolie et je peux vous assurer qu’elle sera sage » Le thérapeute lui frappe gentiment l’épaule en souriant : « J’en suis certain, madame Julie ».
Madame Julie tricotte en parlant : « Comme tu es impatiente ma chérie. J’ai déjà réalisé tes bras et tes jambes en laine blanche si douce. Tu verras, bientôt, tu pourras danser. Je sais que tu voudrais devenir une ballerine. Maman va réaliser ton rêve ».
La femme de service s’approche de Madame Julie : « C’est l’heure du goûter ! Voulez-vous votre thé et un biscuit » « Non, merci, je n’ai pas le temps. Je dois finir ma poupée. C’est très important. »
« Vous aurez besoin de bourre pour lui donner une forme, je vous trouverai cela ». Madame Julie remercie la femme d’un sourire lumineux.
A présent, madame Julie brode le visage de sa poupée de laine : « Quelle méchante de vouloir des yeux verts. Tu sais que maman déteste les yeux verts. Ce sont les yeux des vipères, des êtres malfaisants. Mais tu y tiens et je cède. Je te fais une belle bouche rouge qui sourit. Car tu vas toujours me sourire ma chérie, n’est-ce-pas ? c’est très important pour maman que tu lui souris. ».
« Que pensez-vous de la poupée de madame Julie, docteur ? » demande le directeur à l’homme en blouse blanche.
« Je surveille, je surveille » répond l’homme en s’éloignant d’un pas sportif.
« Comment va votre poupée ? Elle ne vous accompagne pas aujourd’hui. » Demande avec gentillesse la femme de service.
Madame Julie saisie vivement la tasse de thé et le biscuit sec. « Elle est punie. Vraiment c’est une enfant détestable. Elle a cassé mon flacon de parfum et déchiré des pages de mon bréviaire et elle ose dire que ce n’est pas elle. » Une grimace de colère enlaidit le visage de madame Julie.
La femme de service la regarde avec pitié : « Bien sur qu’une poupée ne peux pas faire ces choses. Une poupée c’est forcément innocent ».
Madame Julie hausse le ton et parle d’une voix saccadée et aigre : « Mais dites, ma fille, vous insinuez que c’est moi qui mens ! Que j’accuse une innocente ! »
Le docteur arrive accompagnée d’une infirmière. Il calme avec beaucoup d’autorité la situation. Madame Julie avale trois pilules. L’infirmière la raccompagne à sa chambre avec douceur.
Dans la vaste poche de la blouse du docteur, se détricote une poupée de laine au corps déchiqueté.